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mercredi 10 mars 2010

ACP 181-182 Supplément

CENTRE D’HISTOIRE SOCIALE DU XXe siècle, UMR CNRS 8058
Axe « politiques pénales et pénitentiaires dans les sociétés contemporaines »

 
Contribution au rapport 2009 de l’Observatoire national de la délinquance (OND).


Démographie des lieux de
privation de liberté  
France, 2009
 
Pierre V. Tournier
Directeur de recherches au CNRS








- Août 2009 -


 
_____________________________________________________________________________________
Pierre V. Tournier,  Centre d’histoire sociale du XXe siècle  43, rue Guy Môquet 75017 PARIS,
Tél.  33 (0)1 42 63 45 04 pierre-victor.tournier@wanadoo.fr


Démographie des lieux de privation de liberté 
France, 2009
 
Pierre V. Tournier1

Résumé : Plutôt que de créer un « contrôleur des prisons », le Gouvernement français a opté pour un contrôleur général des lieux de privation de liberté (loi du 30 octobre 2007), prenant ainsi exemple sur le Comité européen de prévention contre la torture  (CPT) du Conseil de l’Europe. Lui aussi est compétent sur tous les lieux de détention, rétention, placement : établissements pénitentiaires, mais aussi locaux de garde à vue, de rétention administrative pour les étrangers en situation irrégulière, hôpitaux psychiatrique, etc. Dans cet article, l’auteur, spécialiste de démographie pénale, actualise et complète un  premier inventaire, réalisé en 2008, de tous ces types de lieux et fait le point sur les données quantitatives très disparates dont on dispose sur les populations concernées (statistiques d’état, statiques de flux d’entrées et de sorties, indicateurs de durées de séjour)2.
        
Mots-clefs : Démographie de l’enfermement. Démographie pénale. Détention. Enfermement. Incarcération. Internement.  Privation de liberté. Rétention.
 
Introduction 

     Afin de respecter le protocole facultatif se rapportant à la convention de l’ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants du 18 décembre 20023, un contrôleur général des lieux de privation de liberté a été institué en France par la loi  du 30 octobre 20074. Par le vote de cette loi,  notre pays s’est mis aussi en conformité avec l’une des règles pénitentiaires du Conseil de l’Europe5.   
   Dans l’article 20 du protocole facultatif de l’ONU, on lit ceci : « Pour permettre aux mécanismes nationaux de prévention de s’acquitter de leur mandat, les Etats Parties au présent protocole s’engagent à leur accorder : a. l’accès à tous les renseignements concernant le nombre de personnes privées de liberté se trouvant dans les lieux de détention visés à l’art. 4, ainsi que le nombre de lieux de détention et leur emplacement ; b. l’accès à tous les renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs  conditions de détention  ».    
     Ainsi l’élaboration d’une cartographie précise de tous ces lieux est indispensable  au respect du protocole. Il en est de même de la connaissance démographique des populations privées de liberté. Le contrôleur général devrait pouvoir aussi  mobiliser un certain nombre d’indicateurs sur les conditions de détention6. Ainsi l’enjeux statistique est-il d’importance, quand on cherche à faire respecter la dignité des personnes privées de liberté. Nous pensons, d’ailleurs, que l’Observatoire national de la délinquance voyant, prochainement,  ses compétences élargies à l’ensemble du processus pénal7 devrait jouer son rôle dans la centralisation de toutes ces données statistiques.

       1. - La privation de liberté dans tous ces états 
    L’article  8 de la loi du 30 octobre 2007 précise qu’il s’agit, en la matière, de « tout lieu8 où des personnes sont privées de leur liberté par décision d’une autorité publique, ainsi que tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement visé à l’article L 3222-1 du code de la santé publique »9.
   Sont donc concernés les locaux de garde à vue de la police et de la gendarmerie et les cellules de dégrisement, les cellules de retenue des douanes, les dépôts des Palais de Justice, les centres éducatifs fermés pour les mineurs délinquants (CEF), les établissements pénitentiaires, les lieux destinés à la prise en charge médicale des personnes privées de liberté, et en particulier les secteurs psychiatriques des centres hospitaliers, l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris, le centre de rétention de sûreté (Fresnes), les centres et locaux de rétention administrative, zones d’attente des ports, aéroports et gares, et, enfin, les locaux d’arrêt des armées.
   Les contrôles peuvent aussi viser les véhicules destinés au transport des personnes détenues, retenues ou placées : examens médicaux ou déferrements de gardés à vue, opérations de transfèrements entre établissements pénitentiaires, extractions médicales ou judiciaires de personnes détenues, etc.

   Le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, M. Philippe Goujon (UMP) estimait le nombre de ces lieux à 5 60010 dont « plus de 4 000 locaux de garde à vue »  et « plus de 1 000  secteurs psychiatriques », sans plus de précision. Lors d’une première tentative d’estimation en terme de populations concernées, nous avons avancé le chiffre de 78 000 personnes privées de liberté au 1er décembre 2008 (France entière). Il s’agissait là d’une estimation par défaut11.  Pour respecter l’article 20 du protocole facultatif de l’ONU, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté devrait être amené à favoriser la développement d’outils d’analyse démographique : statistique de stock (personnes privées de liberté à une date donnée), statistique de flux (mises à exécution des décisions de privation de liberté au cours de l’année, levées de ces décisions dans l’année, durées de privation de liberté). Ces données devraient porter sur l’ensemble de ces populations privées de liberté, sans parler des indicateurs nécessaires à l’analyse de leurs conditions de prise en charge (densités12, par exemple). 
  
   La tâche à laquelle nous souhaitons, ici, apporter notre contribution n’est pas simple car nombre de départements ministériels sont concernés : le Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, le Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement, le Ministère de la Justice et des Libertés, le Ministère de la Défense, le Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports et, enfin, le Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique. Nous allons examiner ici les données statistiques les plus récentes que nous avons pu trouver sur chacun de ces lieux de privation de liberté et sur les populations détenues, retenues ou placées. Quand nous ne disposions pas de données publiées, nous nous sommes adressés aux Ministères concernés. Pour chacun des lieux, nous préciserons les difficultés que nous avons pu rencontrer dans ces démarches.       
 
   2. -  Les locaux de garde à vue de la police et de la gendarmerie
   Le nombre de locaux de garde à vue serait de plus de 4 000, 419 relevant de la Police nationale et plus de 3 600 de la Gendarmerie13.  D’une durée de vingt-quatre heures, la garde à vue peut être prolongée de vingt-quatre heures par le procureur de la République, la  durée maximale étant de quatre jours en matière de trafics de stupéfiants ou de terrorisme, voire de six jours, en matière de terrorisme (menace avérée et actuelle). En 2008, on a recensé 577 816 gardes à vue : 477 223 de vingt-quatre heures au maximum et  100 593 de plus de vingt-quatre heures14. Il s‘agit naturellement de données de flux. Nous ne disposons pas de données de stock. En considérant, en première approximation, que les gardes à vue de vingt-quatre heures au maximum durent, en moyenne, douze heures et que celles de plus de vingt-quatre heures durent, en moyenne, trente-six heures, on obtient un nombre de gardés à vue (P), à un instant donné d’environ 1 000 personnes.    
P = 477 223 x 0,5 / 365 + 100 593 x 1,5 / 365 ≈ 1 100 à un instant donné15.
   Les données de flux sont connues par nature d’infraction.  En 2008, pour les gardes à vue de vingt-quatre heures au maximum, on compte, principalement, 72 466 gardes à vue pour infractions à la police des étrangers, 59 730 pour coups et blessures volontaires, 49 008 pour usage de stupéfiants, 22 502 pour recels, 19 355 pour vols à l’étalage, 14 870 pour outrages à dépositaires de l’autorité, 12 871 pour escroquerie et abus de confiance, 10 738 pour destructions et dégradations de biens privés, 10 947 pour violences à dépositaire de l’autorité.
   Pour celles de plus de vingt-quatre heures, on compte, principalement, 13 213 gardes à vue pour coups et blessures volontaires, 7 347 pour usage revente de stupéfiants, 6 859 pour trafic et revente sans usage de stupéfiants, 5 482 pour  usage de stupéfiants, 4 227 pour recel, 3 318 pour infraction à la police des étrangers, 3 533 pour escroquerie et abus de confiance, 3 803 cambriolage de locaux d’habitation principale.
  Les statistiques relatives aux gardes à vue ne permettent pas de distinguer les hommes des femmes, les français des étrangers, les mineurs des majeurs, comme on peut le faire à partir des données sur les personnes mises en cause.   
   Le nombre de gardes à vue est en forte augmentation : + 72 % de 2001 à 2008, + 70 % pour les gardes à vue de vingt-quatre heures au maximum et + 80 % pour les gardes à vue supérieures à vingt-quatre heures (Tableau 1)16.

Tableau 1. - Gardes à vue  
Champ : France métropolitaine
  2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Ensemble 336 718 381 342 426 671 472 064 498 555 530 994 562 083 577 816
24h maxi 280 883 312 341 347 479 386 080 404 701 435 336 461 417 477 223
Plus de 24h 55 835 69 001 78 922 85 984 93 854 95 658 100 666 100 593
Source des données : Ministère de l’Intérieur, OND
 
   3.  - Les cellules de dégrisement  
    Les cellules ou salles de dégrisement se situent dans les commissariats de police ou les locaux de la gendarmerie nationale. On y retient les personnes trouvées en état d’ivresse publique.  jusqu’à ce qu’elles aient retrouvé leurs pleines capacités. D’après l’article L3341-1 du code de la santé publique, « une personne trouvée en état d'ivresse dans les rues, chemins, places, cafés, cabarets ou autres lieux publics, est, par mesure de police, conduite à ses frais au poste le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison ». La personne encourt une amende prévue pour les contraventions de 2ème classe (Article R3353-1 du code de la santé publique). A notre connaissance, il n’existe pas de données statistiques sur le recours à ces cellules de dégrisement.
 
   4.  - Les cellules de retenue des douanes
   En vertu  de l’article  323.3 du code des Douanes, les agents des douanes peuvent procéder à la retenue  de toute personne prise en flagrant délit de commission d’infraction douanière. La  durée de la retenue douanière est limitée à vingt-quatre heures. Elle peut être prolongée de vingt-quatre heures par le procureur de la République. Sa durée s’impute sur la durée d’une éventuelle garde à vue.
   N’ayant pas trouvé de données publiées ni sur les lieux, ni sur les personnes, nous avons adressé une demande, le 1er  juin 2009, à M. le Ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique dont dépend la Direction des douanes et des droits indirects. Après avoir reçu, le 30 juin, une lettre du cabinet du Ministre indiquant que notre demande ferait l’objet d’un « examen attentif », nous n’avons plus eu de nouvelles…
 
   5. - Les dépôts des palais de justice
   Sont retenus en ces lieux, les personnes qui doivent être déférées devant un magistrat du parquet à l’issue de leur garde à vue ou qui ont été extraites d’un établissement pénitentiaire pour être entendues par un juge ou pour être jugées. Ces locaux sont placés sous la surveillance de fonctionnaires de la police nationale ou de militaires de la gendarmerie nationale. Il s’agit aussi bien des locaux permettant une rétention de nuit, en application des dispositions de l’article 803-3 du code de procédure pénale17 que de ceux permettant une rétention de jour.  Nous ne disposons de données ni sur les lieux, ni sur les personnes. 
   Pour ce qui est du Palais de justice de Paris, il convient de distinguer la « souricière »  et le dépôt proprement dit18. Placée sous le contrôle de l’administration pénitentiaire, la souricière est une zone d’attente des personnes écrouées et détenues  - entre 80 et 140 par jour - qui sont extraites des diverses maisons d’arrêt en vue de leur comparution devant une juridiction de jugement, de leur audition par un magistrat instructeur ou de toute audience devant la chambre de l’instruction ou le juge des libertés et de la détention.
    Le dépôt est lui placé sous le contrôle de la Préfecture de police de Paris. Se trouvent au dépôt les personnes déférées à l’issue de leur garde à vue. Entre 60 et 90 personnes transitent ainsi en moyenne par jour par ce lieu côté hommes, une dizaine côté femmes.
 
   6. - Les centres éducatifs fermés (CEF)
 Ces centres, publics ou associatifs, ont été institués par la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice. Y sont placés les mineurs multirécidivistes de 13 à 18 ans en application d’un contrôle judiciaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve ou d’une libération conditionnelle. Ces jeunes font l’objet de mesures de surveillance strictes assorties d’un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité. Le terme « fermé » renvoie à la fermeture juridique définissant le placement, c’est-à-dire que tout manquement grave au règlement du centre est susceptible d’entraîner une détention. 
   Nous avons sollicité la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) au Ministère de la Justice afin de disposer de données sur les CEF. Les statistiques disponibles nous ont été fournies avec diligence. Au 6 juillet 2009,  les centres en service sont au nombre de 38 (France entière), ce qui représente 413 places. 344 jeunes y sont accueillis19. Nous disposons, par ailleurs, de l’évolution annuelle de placements (flux), en distinguant les centres du secteur habilité (associations) et ceux du secteur public (Tableau 2.).  En 2008, on a recensé   878 placements dont plus de 78 % ont été effectués dans le secteur habilité (métropole). A partir de 2005,  il est aussi possible de connaître la répartition des mesures terminées une année donnée selon la durée du placement (Tableau 3.). Cette répartition tend à se resserrer avec le temps : de 53 % de placements, compris entre 3 et 9 mois, achevés en 2005 à 64 % en 2008. Pour cette dernière année, on peut estimer  la durée moyenne du placement à 4 mois et demi.   
 En revanche, nous ne disposons que de données très partielles concernant la répartition entre les trois statuts prévus par les textes. Elles ne portent que sur 42 des 67 placements effectués  dans le  secteur public du 1er janvier au 31 mai 2009. On compte  2/3 de prévenus sous contrôle judiciaire, 1/3 de condamnés à une peine avec sursis et mise à l’épreuve et aucun condamné en libération conditionnelle.
 
 Tableau 2. – Nombre annuel  de placements en Centres éducatifs fermés (CEF) 
Champ : France entière
  2003 2004 2005 2006 2007 2008
Ensemble n.d. n.d. 328 451 680 878
Secteur habilité n.d. n.d. 282 395 557 689
Secteur public 20 39 46 56 123 189
n.d. : non disponible                                Source des données : Ministère de la Justice et des Libertés, DPJJ

 Tableau 3. – Durée des mesures terminées de placement  en Centres éducatifs fermés (CEF) 
3.1 - Ensemble 
Champ : France entière
  2005 2006 2007 2008
  Eff. % Eff. % Eff. % Eff. %
Ensemble 256 100 371 100 545 100 635 100
Moins de 3 mois 96 37,5 146 39,4 189 34,7 203 32,0
3 m à  moins 6 87 34,0 125 33,7 199 36,5 231 36,4
6 m à  moins de 9 m 48 18,8 72 19,4 132 24,2 176 27,7
9 mois et plus 25 9,8 28 7,5 25 4,6 25 3,9
Source des données : Ministère de la Justice et des Libertés, DPJJ
3.2  - Secteur habilité 
Champ : France entière
  2003 2004 2005 2006 2007 2008
Ensemble n.d . n.d. 217 325 464 610
Moins de 3 mois 81 124 156 193
3 m à  moins de 4 m 18 28 30 50
4 m à  moins 5 m 13 23 31 62
5 m à  moins de 6 m 42 57 103 110
6 m à  moins de 7 m 33 53 102 152
7 m à  moins 8 4 4 9 14
8 m à  moins de 9 m 6 8 11 6
9 mois et plus 20 28 22 23
n.d. : non disponible                                Source des données : Ministère de la Justice et des Libertés, DPJJ
 
3.3 - Secteur public 
Champ : France entière
  2003 2004 2005 2006 2007 2008
Ensemble 1 16 39 46 81 25
Moins de 1 mois - 2 7 5 9 4
1 m à  moins de 3 m 1 4 8 17 24 6
3 m à  moins 6 m - 8 14 17 35 9
6 m à  moins de 9 m - 1 5 7 10 4
9 m à  moins de 12 - 1 4 - 2 2
1 an à  moins de 2 ans - - 1 - 1 -
Source des données : Ministère de la Justice et des Libertés, DPJJ
 
   7. -  Les établissements pénitentiaires
   Au 1er juillet  2009, les 238 établissements et quartiers de détention (France entière) disposent, globalement,  de 53 441 places opérationnelles pour héberger 63 189 détenus (densité carcérale globale de 118 détenus pour 100 places) : 32 951 places en maisons d’arrêts et établissements pour  mineurs, pour  43 855 détenus (densité de 133 p. 100) et 20 490 places en établissements pour peine pour  19 334 détenus (densité de  94 pour 100). A cette date, le nombre total de détenus en surnombre est de 12 14520.
   Parmi ces détenus, on compte 16 174 prévenus21, 1 768 condamnés en semi-liberté,  382 condamnés bénéficiant d’un placement à l’extérieur, mais hébergés en établissement pénitentiaire et 44 865 condamnés sans aménagement. Ces données de stock sont collectées par la direction de l’administration pénitentiaire  au 1er jour de chaque mois. Elles sont disponibles pour chaque établissement et chaque quartier de détention (Tableaux 4 et 5). 
 
Tableau 4. - Situation de la population des personnes écrouées et détenues au 1er juillet 2009  
Champ : France entière
  Nombres
d’établisse-ments*
Places opération-
Nelles

Détenus
Densité globale
p. 100
Ensemble 238 53 441 63 189 118
         
Maisons d’arrêt* 144 32 665 43 624 133
Etablissements pour mineurs 6 286 231 81
Centres de semi-liberté autonome 13 588 600 102
Centres pour peines aménagées* 3 280 246 88
Centres de détention* 59 17 589 16 922 96
Maisons centrales* 13 2 033 1 566 77
* et quartiers                                                                    Source des données : Ministère de la Justice, DAP

Tableau 5. – Evolution de la population écrouée et détenue
Champ : France entière
  1/7/02 1/7/03 1/7/04 1/7/05 1/7/06 1/7/07 1/7/08 1/7/09
Ensemble 55 939 60 401 63 652 60 925 59 488 61 810 64 250 63 189
Prévenus 18 469 21 925 22 110 20 999 18 546 18 223 17 495 16 174
Condamnés  37 470 38 476 41 542 39 926 40 942 43 587 46 755 47 015
% de prévenus 33 % 36 % 35 % 34 % 31 % 29 % 27 % 26 %
Source des données : Ministère de la Justice, DAP
 
   Ne sont pas comptabilisées supra les personnes qui, bien que placées sous écrou, ne sont pas « enfermées » et exécutent leur peine, dans la communauté22. Au 1er juillet  2009, on compte   4731 condamnés sous écrou, faisant l’objet  d’un placement  sous surveillance électronique  et 598 condamnés sous écrou bénéficiant d’un placement extérieur sans hébergement pénitentiaire23.  
   Pour ce qui est de l’ensemble de la population sous écrou, l’administration pénitentiaire  dispose aussi de données de flux (Tableau 6.)

Tableau 6. - Flux annuels de mises sous écrou et indicateur du temps moyen passé sous écrou   
Champ : France entière
  2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Entrées annuelles (E) 67 308 81 533 81 905 84 710 85 540 86 594 90 270 89 054
Population moyenne (P)24 48 312 53 510 58 574 60 905 59 791 59 938 63 268 66 716
Durée moyenne sous écrou (d, en mois)25 8,6 7,9 8,6 8,6 8,4 8,3 8,4 9,0
Indicateurs calculés sur la base des données du Ministère de la Justice, DAP
 
   8. -  Lieux destinés à la prise en charge médicale des personnes privées de liberté 
    Il faut distinguer ici plusieurs cas selon la situation juridique et administrative des personnes et selon la nature de la prise en charge médicale. 
 
   8.1 - Personnes sous écrou et effectivement détenues dans un établissement pénitentiaire et soignées dans l’établissement26
    Les structures concernées sont les unités de consultation de soins ambulatoires (UCSA), dépendant de l’hôpital de proximité, implantées dans chaque établissement pénitentiaire (à l’exception des centres de semi-liberté)  et les services médicaux psychologiques régionaux (SMPR), au nombre de 26 au 1er janvier 200927. Nous ne disposons pas de données concernant le nombre de personnes détenues prises en charge par les SMPR.

   8.2. - Personnes sous écrou qui devraient être détenues dans un établissement pénitentiaire, mais font l’objet d’une prise en charge dans un hôpital de proximité
   Les hospitalisations urgentes et les hospitalisations programmées d’une durée inférieure ou égale à quarante-huit heures relèvent de l’hôpital de proximité dont dépend l’unité de consultation et de soins ambulatoires. La garde des patients est assurée par les forces de l’ordre. Les autres hospitalisations (à l’exception de celles qui relèvent d’un service psychiatrique), se font dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI). 

   8.3. - Personnes sous écrou qui devraient être détenues dans un établissement pénitentiaire, mais font l’objet d’une prise en charge dans une unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI).
   N’ayant pas trouvé de données publiées sur les personnes prises en charge en UHSI, nous avons sollicité Mme La Ministre de la Santé et des sports dont dépendent ces établissements.
  
   Les données souhaitées nous ont été fournies par la Sous-direction de l’organisation du système de soins. La première UHSI a été inaugurée à Nancy, en février 200428.  Au 1er juillet 2009, Il existe 7 UHSI29  dans les CHU pour les hospitalisations de personnes détenues, programmées de plus de 48 heures auquel il faut ajouter l’établissement public de santé national de Fresnes. Ce qui représente 145 lits en « médecine – chirurgie »et 61 lits de « soin de suite ». Soit une capacité de 206 lits. L’ouverture de l’UHSI de Rennes devrait se faire début 2001 (19 lits).  
   En 2008, on a recensé, globalement, 2 737 séjours en UHSI, soit une augmentation de  20 % par rapport à l’année précédente (Tableau 7.). Pour les années antérieures (2005 et 2006), les données sont trop incomplètes pour être significatives ; les UHSI ouvertes fonctionnaient alors depuis trop peu de temps.  En 2007 comme en 2008, 10 %  des séjours durent, en fait,  moins de 48 heures. La durée moyenne est de 11 jours en 2007, 10 jours en 2008. 
Tableau 7. - Nombre de séjours et durée moyenne de l’hospitalisation dans les UHSI 
7.1  - Année 2007 
UHSI

Capacité  autorisée court séjour
Nombre de séjours Part des séjours moins de 48 h
En %
Durée moyenne de séjour en jours
Total Moins de 48 h 48 h et plus
Ensemble 116 2 276 235 2 041 10 11
Lyon 23 370 48 322 13 16
Nancy 17 469 35 434 7,5 8,8
Toulouse 16 333 11 322 3,3 9,0
Lille 21 486 85 401 17 10,0
Bordeaux 16 377 13 364 3,4 12
Marseille 23 241 43 198 18 11
Ministère de la Santé

7.2  - Année 2008
UHSI

Capacité  autorisée court séjour
Nombre de séjours Part des séjours moins de 48 h
En %
Durée moyenne de séjour en jours
Total Moins de 48 h 48 h et plus
Ensemble 116 2 737 281 2 456 10 10
Lyon 23 414 42 372 10 13
Nancy 17 484 38 446 7,8 8,0
Toulouse 16 365 42 323 12 8,1
Lille 21 480 93 387 19 8,0
Bordeaux 16 404 20 384 4,9 12
Marseille 23 590 46 544 7,8 11
Ministère de la Santé
 
   8.4 - Personnes sous écrou qui devraient être détenues dans un établissement pénitentiaire, mais font l’objet d’une prise en charge dans une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA).
   Prévues dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) implantées en milieu hospitalier accueilleront les hospitalisations psychiatriques de personnes détenues (avec ou sans consentement). La première tranche de construction de 440 places est prévue pour 2008-2010, la seconde tranche de 265 places pour 2010-2011. La première UHSA ouvrira ses portes au 1er semestre 2010 à Lyon-Le Vinatier. Les capacités d’hospitalisation prévues pour la première tranche sont les suivantes : Ile-de- France : 60,  Lyon : 60, PACA : 60, Nord : 60, Nancy : 40, Rennes : 40, Centre : 40, Toulouse  : 40 et Aquitaine : 40.   
   8.5 - Personnes sous écrou ou non, faisant l’objet d’un placement sans leur consentement dans les secteurs  psychiatriques « ordinaires » des centres hospitaliers. 
    Dans le rapport de M. Philippe Goujon à la commission des lois, il est fait état  de plus de  1000 secteurs, sans plus de précision. Les personnes concernées sont  hospitalisées sous contrainte d’office (HO),  mesure administrative prise par le préfet, ou à la demande d’un tiers (HDT)30. Le ministère de la Santé produit une statistique de ces hospitalisations sans consentement,  tous les deux ans, sur la base des rapports d’activité des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques (CDHP).
   Nous espérions pouvoir trouver, sur internet, le bilan des rapports d’activité des CDHP pour l’année 2007. En effet, la circulaire DGS/MC4 no 2008-140 du 10 avril 2008 relative aux hospitalisations psychiatriques précisait que les rapports départementaux  devaient être transmis au bureau de la santé mentale avant le 1er novembre 2008. Mais nous n’avons  pas trouvé trace. Sollicité sur  ce sujet le 15 juillet 2009, le ministère de la Santé ne nous a pas répondu à ce jour. Aussi avons-nous  repris ici, les données de 2005.
    En 2005, 73 809 hospitalisations sans consentement ont été décidées (Tableau 8)31. Ce qui représente 12 % de l’ensemble des hospitalisations en psychiatrie :   
- 60 366 hospitalisations à la demande d’un tiers (HDT) ;
- 1 978 hospitalisations d’office (HO) prononcées au titre des articles L.3213-7 du code de la santé publique (personnes bénéficiaires d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement pour irresponsabilité pénale et D.398 de code de procédure pénale (personnes détenues) ;
- 11 465 autres hospitalisations d’office (HO) 
Nous ne disposons pas de données sur les effectifs de patients hospitalisés à un instant donné.    

Tableau 8. -  Hospitalisations sans consentement en psychiatrie générale
  1997 1998 1999 2000 2001 2003 2005
Nb de départements 100 100 98 99 100 97 96
Ensembles 60 687 65 580 66 593 71 731 72 519 76 856 73 809
HDT 52 034 55 033 57 325 62 560 62 894 65 840 60 366
HO 8 653 8 817 9 268 9 171 9 625 11 016 13 443
Source des données : rapports d’activité des CDHP32

   8.6 - Personnes sous écrou ou non, faisant l’objet d’un placement au sein d’une unité pour malades difficiles (UMD).
   Les UMD sont des services hospitaliers psychiatriques spécialisés dans le traitement des malades mentaux présentant un état dangereux majeur. Jusqu’à une date récente,  il existait  quatre UMD (Cadillac, Monfavet, Sarreguemines et Villejuif). Une cinquième UMD interrégionale a été ouvert le 2 janvier 2008 à Plouguernével (Côtes d Armor) qui peut accueillir 40 patients. Les UMD reçoivent trois catégories de patients.
a. des patients détenus en application de l’article D. 398 du Code de procédure pénale. Il s’agit de personnes sous écrou, responsables pénalement qui ne peuvent pas être soignées en service médico-psychologique régional (SMPR) et sont de ce fait transférées d’un établissement pénitentiaire en UMD.
b. des patients en hospitalisation d’office (HO) « judiciaire » (les « médico-légaux ») déclarés pénalement irresponsables en application de l’article 122-1 du Code pénal (ou de son ancien article 64) et soumis à une obligation de soins en milieu fermé.
c. des patients  en hospitalisation d’office (HO) « classique » (Art. L 3213-1 et L.3213-2 du Code de la santé publique).
La situation de ces patients est examinée tous les six mois par une commission de suivi médical (CSM).  
      En 2006, nous avions pu collecter des données sur les UMD de Cadillac, Montfalet et Sarreguemines obtenues directement auprès de ces services33. Nous avons récemment répliqué cette enquête en adressant un questionnaire aux 5 UMD, en service aujourd’hui, afin de connaître la population prise en charge au 1er janvier 2008, au 1er janvier 2009, ainsi que les flux d’admission au cours de l’année 2008.  Comme en 2006,  la direction de l’UMD de Villejuif n’a pas pu nous fournir  les données demandées Les statistiques  portent donc sur les quatre autres unités (Tableau 9.) 
  Au 1er janvier 2009, le nombre de lits est de 338.  Sur un total de 307 patients présents moyenne 2008), on compte  76 % en « HO classique »,  12,5 % en « HO judiciaires »  et 11,5 % « détenus » (sous écrou).  La durée moyenne de séjour est de un an (2 ans pour les « HO judiciaires »).
 
Tableau 9. -  Hospitalisations en unités pour malades difficiles (UMD)
9.1 - UMD (à l’exclusion de Villejuif) : 338 lits au 1/1/09
  Population  moyenne Flux annuel Durée moyenne de séjour (mois)
  2005 2008 2005 2008 2005 2008
Ensemble des patients 299 307 288 295 12 m 12 m
HO classiques 233 234 230 233 12 m 12 m
Détenus 34 35 39 43 10 m 9,8 m
HO judiciaires 32 38 19 19 20 m 24 m
Indicateurs calculés sur la base des données des UMD  
9.2 - UMD Cadillac : 86 lits au 1/1/09 
  Population  moyenne Flux annuel Durée moyenne de séjour (mois)
  2005 2008 2005 2008 2005 2008
Ensemble des patients 74 82 79 65 11 m 15 m
HO classiques 60 60 60 52 12 m 14 m
Détenus 8 10 17 9 6 m 13 m
HO judiciaires 6 12 2 4 36 m 36 m
Indicateurs calculés sur la base des données de l’UMD  
9.3 - UMD Montfavet : 46 lits au 1/1/09 
  Population  moyenne Flux annuel Durée moyenne de séjour
  2005 2008 2005 2008 2005 2008
Ensemble des patients 70 56 81 68 10 m 10 m
HO classiques 51 42 69 59 8,9 m 8,5 m
Détenus 11 8 8 7 16 m 14 m
HO judiciaires 8 6 4 2 24 m 36 m
Indicateurs calculés sur la base des données de l’UMD  
9.4 - UMD Plouguernével (ouvert le 2 janvier 2008) : 40 lits au 1/1/09
  Population  moyenne Flux annuel Durée moyenne de séjour
  2005 2008 * 2005 2008 2005 2008
Ensemble des patients 0 29 0 57
HO classiques 0 24 0 42
Détenus 0 5 0 12
HO judiciaires 0 0 0 3
* 1er janvier 2009                                                      Indicateurs calculés sur la base des données de l’UMD

9.5 - UMD Sarreguemines : 166  lits au 1/1/09 (lits autorisés, 162 sont installés). 
  Population  moyenne Flux annuel Durée moyenne de séjour
  2005 2008 2005 2008 2005 2008
Ensemble des patients 155 140 128 105 15 m 16 m
HO classiques 122 108 101 80 14 m 16 m
Détenus 15 12 14 15 13 m 9,6 m
HO judiciaires 18 20 13 10 17 m 24 m
Indicateurs calculés sur la base des données de l’UMD
 
   9. – L‘infirmerie psychiatrique de la préfecture de Paris

   L’Infirmerie psychiatrique de la préfecture de Paris (IPPP ou I3P) est un service public médico-légal qui accueille, pendant 24 heures ou 48 heures, les personnes qui représentent un danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un certificat médical ou par la notoriété publique (Art. L 3213-2 du code de la santé publique). Il ne s’agit pas d’un lieu d’hospitalisation mais d’un lieu de rétention en vue d’une éventuelle hospitalisation d’office (HO). La capacité d’accueil est actuellement de 16 lits.
   N’ayant pas trouvé de données récentes publiées sur l’I3P, nous avons adressé une demande au préfet de Police. Les données présentées infra nous ont été fournies par la Direction des transports et de la protection du public de la préfecture de police (bureau des actions de santé mentale).
    Au cours de l’année 2008, 2 243 entrées ont été recensées. C’est l’effectif le plus faible observé depuis 2000 (Tableau 10.). 930 entrées ont été suivies d’une hospitalisation  d’office - HO -  (soit  41%), 265 d’une hospitalisation à la demande d’un tiers  - HDT- (12 %), 189 hospitalisations libres - HL -  (8 %)   auxquelles il faut ajouter  82 « réintégrations » de patients précédemment  placés en HO ou en HDT dans des établissements de soins.  Ainsi, en 2008,  65 % des entrées à l’I3P ont été suivies d’une hospitalisation.  Parmi les 777 sorties des personnes dont l’état de sa nté ne justifiait pas une hospitalisation, 284 sont sorties libres de leurs mouvements et 493 ont été repris en charge par les services de police dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours, en raison des faits ayant conduit à leur interpellation.       
   Quelles sont les durées de séjour ? D’après l’I3P, « la plupart des patients sont interpellés dans la soirée ou la nuit et sont examinés lors de la visite médicale qui a lieu tous les matins. Si la personne peut sortir de son propre fait, elle en a la possibilité dès que l’avis médical est rendu, soit, au plus tard en fin de matinée, la durée de son séjour est alors de moins de 24 heures. Si la personne est conduite dans un établissement de soin, la durée de son séjour dépend de l’organisation des transports qui se font soit avec l’ambulance de l’infirmerie, soit avec une ambulance privée à partir du milieu de l’après-midi.  Moins de 20 % des patients sont maintenus au delà d’un délai de 24 heures, soit parce que leur situation nécessite un temps d‘observation  plus long, en particulier s’ils ont été conduits le matin même à l’I3P ou parce que des contacts nécessaires avec les familles ou les médecins traitants justifient ce délai supplémentaire ».

Tableau 10. -  Entrées à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de Paris et orientations

  2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Entrées 2 474 2 300 2 628 2 517 2 598 2 506 2 205 2 309 2 243
                   
Placements 1 810 1 638 1 778 1 679 1 653 1 686 1 486 1 585 1 466
HO 1 151 1003 991 989 993 1 055 939 973 930
HDT 314 288 376 355 293 288 276 290 265
HL 306 315 359 285 288 275 212 234 189
Réintégrations  39 32 52 50 79 68 59 88 82
                   
Sorties 664 662 850 838 945 820 719 724 777
Libres 315 296 284
Repris par la police 404 428 493
 Source des données : Préfecture de police
 
   10. - Le centre socio-médico-judiciaire de sûreté

   Ces structures ont été instituées par la loi  du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de troubles mentaux. Le premier centre de rétention de sûreté, encore en travaux,  a été inauguré, le 6 novembre 2008, par la Ministre de la Justice. Situé au sein de l’Etablissement public de santé national des prisons de Fresnes (EPSNF), il est prévu pour recevoir dix retenus dans des studios de 20 m². A notre connaissance, aucune personne n’a été retenue, à ce jour, dans ce centre.
 
    11. – Les centres et locaux de rétention administrative, les zones d’attente 
   Les centres et locaux de rétention administrative, zones d’attente des ports, aéroports et gares sont placés sous la responsabilité de la police ou de la gendarmerie. Il existe 25 centres de rétention administrative (CRA) 20 sont gérés par la police et 5 par la gendarmerie. Y sont retenus les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire jusqu’à leur départ effectif. On compte, par ailleurs, une centaine de locaux de rétention administrative. Créés à titre provisoire ou permanent par arrêté préfectoral, ils reçoivent les étrangers retenus en attente d’un transfert vers un centre de rétention. Enfin, il existe une centaine de « zones d’attente » pour les étrangers non admis à entrer sur le territoire, les demandeurs d’asile, les étrangers  en transit interrompu auxquels le pays de destination finale refuse l’accès34.
  L’article R553-3 du code de l’entrée du séjour des étrangers (CESEDA) prévoit que la capacité d’accueil des CRA ne peut dépasser 140 places. La capacité d’accueil des zones d’attente varie de quelques places dans la plupart des aéroports ou ports, à 172 places pour la zone d’attente de l’aéroport de Roissy. La durée de maintien est strictement limitée à 18 jours pour la zone d’attente, à 32 jours pour les CRA.
   11.1 – Les centres de rétention administrative
   Les données administratives les plus récentes concernant ces lieux de privation de liberté se réfèrent à l’année 2007. On les trouve dans un rapport du Ministère de l’immigration, approuvé par le comité interministériel de contrôle de l’immigration réuni le 9 décembre 200835. La « capacité théorique » des CRA est de  1611 (métropole)36. Le nombre d’arrivées dans l’année est de 35 246 (Tableau 11.)
Tableau 11. -  Placement des étrangers dans les centres de rétention administrative (CRA) 
Champ : Métropole
2003 2004 2005 2006 2007
28 155 30 043 29 257 32 817 35 246
Source des données : Ministère de l’Immigration
 
   On trouve un certain nombre de données statistiques sur les CRA dans le rapport annuel de la Cimade, association non gouvernementale qui exerce, depuis 1985, une mission d’accompagnement des étrangers retenus dans les centres de rétention administrative37.  Cette organisation estime à 1 724 le nombre de places dans les CRA au 1er janvier 2008 et à 34 379 le flux, en 2007, de mises en rétention. Les personnes ont pu être retenues de 24 heures à 32 jours, la durée moyenne de rétention étant estimée, par la Cimade, à 11 jours.  
Sur cette base, on peut considérer que l’ordre de grandeur du nombre de retenus, à une date  donnée, est de 1 05038.
  11.2 – Les zones d’attente
   Les placements en zone d’attente s’élèvent à 15 827 en 2007. C’est la situation faite, pendant le temps strictement nécessaire à leur départ, aux ressortissants étrangers qui ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire français lorsqu’ils se présentent à l’une de nos frontières ou dont la demande d’admission au titre de l’asile fait l’objet d’un examen tendant à déterminer si cette demande n’est pas manifestement infondée. La zone d’attente de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle représente, à elle seule, 93 % des placements de l’année 2007 (Tableaux 12 et 13).
Tableau 12. -  Placement des étrangers en zone d’attente
Champ : Métropole
2003 2004 2005 2006 2007 1er semestre 2007 1er semestre 2008
17 073 17 098 16 157 15 876 15 827 7 007 9 214
Source des données : Ministère de l’Immigration 
Tableau 13. -  Durée des placements des étrangers en zone d’attente
Champ : Zone d’attente  de Roissy
  2003 2004 2005 2006 2007
Ensemble des placements 15 498 15 452 14 451 14 427 14 679
2 jours et moins 50,0 76,1 78,7 75,1 67,0
Plus de 2 jours à  4 jours 6,4 7,7 6,8 7,1 10,2
Plus de 4 jours à  12 jours 24,3 13,3 11,9 14,4 20,9
Plus de 12 jours à 18 jours 19,3 2,9 2,6 3,4 1,9
Source des données : Ministère de l’Immigration
 
   A partir des données du Tableau 12, on peut estimer la durée moyenne de placement en zone d’attente à 3 jours (2007). Ce qui donne, à un instant donné, un nombre moyen de placés de 120 personnes, à Roissy,  soit de l’ordre de 130 pour la métropole39.

   12. – Les locaux d’arrêt des armées
   Dans son rapport de septembre 2007, Philippe Goujon  avançait le chiffre de 138 locaux d’arrêt des armées de terre, de l’air et de la marine nationale40, afin de placer en isolement les militaires condamnés aux arrêts. Ayant adressé une demande de données chiffrées sur les militaires concernées au Ministre de la Défense,  nous avons pas reçu la réponse suivante de Jean-Paul Bodin directeur adjoint du cabinet du Ministre, en date du 11 août 2009 : « Les armées ne disposent plus de locaux d’arrêts de rigueur destinés aux militaires faisant  l’objet de sanctions disciplinaires. L’exécution de telles mesures s’effectue désormais au domicile des intéressés avec interdiction de quitter la garnison ».
 
   13. – Estimations globales sur la privation de liberté en France 
   Nous allons tenter d’estimer, pour la France entière (métropole et outre-mer), le nombre de mises à exécution de décisions de privation de  liberté en 2008 et le nombre de personnes détenues, retenues ou placées au 1er janvier 2009. Il s’agira plutôt d’estimations par défaut. En effet, nous n’avons aucune donnée sur les cellules de dégrisement, de cellules de retenue des douanes, les dépôts des palais de justice, … Dans certains cas, nous ne disposons que de données non actualisées ou partielles (métropole pour les gardes à vues, 96 départements pour les hospitalisations sans consentement). En l’absence de données permettant de calculer des durées moyennes de privation de liberté, dans tel ou tel cas, nous pensons avoir estimé ces durées par défaut : 2 mois pour les hospitalisations sans consentement. 
   Les données disponibles ou estimées sont les suivantes :
- 577 816 gardes à vue (2008, métropole), estimation de 1 100 gardés à vue à une date donnée ; 
- 344 mineurs retenus dans les centres éducatifs fermés (6/7/09),  flux de 878 placements (2008) ;
- 62 252 écroués détenus au 1er janvier 2009,  89 054 mises sous écrou (2008) dont il faut retirer les mises sous écrou avec placement sous surveillance électronique ou avec placement extérieur sans hébergement, ab initio soit  15 00041 (estimation de 89 054 – 15 000 = 74 054) ;  
- 73 809 hospitalisations sans consentement (2005), soit un nombre estimé de 12 300 placés à une date donnée ;
- 2 243 entrées à l’infirmerie psychiatrique de la Préfecture de police de Paris (2008),  estimation de 6 présents à un instant donné.
- 35 246 placements des étrangers en centres de rétention administrative (2007), estimations du nombre de retenus à une date donnée  de 1 050.
- 15 827 placements des étrangers en zone d’attente (2007), estimations du nombre de retenus à une date donnée  de 130.

   Ainsi peut-on estimer à plus de 780 000 les mises à exécution d’une décision de privation de liberté, en 200842, et à plus de 77 000 le nombre de détenus, retenus ou  placés au 1er janvier 2009 (France entière).
   Sur la base des données disponibles,  les mises en garde à  vue représentent 74 % des flux, les personnes détenues dans les établissements pénitentiaires représentant plus de 80 % des personnes privées de liberté à une date donnée. 
 
   14. - Restriction de liberté et contrôle
   Le contrôleur général nommé par application de la loi du 30 octobre 2007 n’a pas compétence pour contrôler les conditions d’application des placements sous main de justice (PMJ) qui ne s’accompagnent pas d’une mesure d’enfermement.  
   Au 1er janvier 2009,  on peut  estimer à 171 158 le nombre de personnes concernées par ces mesures ou sanctions restrictives de liberté (France entière) :
- 3 431 condamnés placés sous surveillance électronique fixe,
- 495 condamnés en placement à l’extérieur, sans hébergement pénitentiaire,
- 159 232 personnes suivies en milieu ouvert (sans écrou) par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (prévenus sous contrôle judiciaire, condamnés au sursis avec mise à l’épreuve, condamnés au travail d’intérêt général, libérés conditionnels …)43,
- 8 000 prévenus sous contrôle judiciaire suivis par une association et non par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (estimation).
   Il est à noter que la circulaire du cabinet du garde des Sceaux n°2008-17/SG du 18 juin 2008 relative au Contrôleur général des lieux de privation de liberté précise bien que « les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ne peuvent pas faire l’objet de visites [du contrôleur général] puisqu’ils ne sont pas des lieux de privation de liberté ». 
   Et pourtant, le Conseil  de l’Europe  préconise que les conditions d’exécution de ces sanctions et mesures dites « appliquées dans la communauté » (SMC) fassent, elles aussi, l’objet d’un contrôle indépendant44. 
   Si la recommandation du 11 janvier 2006 sur les règles pénitentiaires (milieu fermé) a été largement popularisée dans le cadre des débats sur le projet de loi pénitentiaire, celle du 19 octobre 1992,  relative aux Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté,  reste fort peu connue en France.  Dans son chapitre 1, intitulé « Cadre légal », on trouve ainsi  la règle 11 « Le contrôle régulier et externe [souligné par nous] de l’activité des autorités chargées de l’exécution [des SMC] devrait être prévu par les dispositions légales. Ce contrôle doit être effectué par des personnes qualifiées et expérimentées »45.
    La recommandation adoptée en 2000 concernant l’amélioration de la mise en œuvre des règles européennes sur les SMC revient sur la question dans l’article 13 : « Il faudrait reprendre l’examen de la question relative à la mise en place de dispositions légales prévoyant un contrôle régulier et indépendant [souligné par nous] de l’activité des autorités d’exécution [des SMC], effectué par des personnes expérimentées, comme l’exigent les règles européennes ».46
L’examen de cette question mérite, effectivement, d’être repris. 
 
   Conclusion 
      En 1983, nous avions proposé, aux instances du Conseil de l’Europe, de mettre en place une procédure de collecte périodique de données sur les populations des établissements pénitentiaires des Etats membres. La tâche nous fut confiée et le système prit, quelques années plus tard, le nom de Statistique pénale annuelle du Conseil de l’Europe (SPACE). Le système est aujourd’hui géré par notre collègue Marcello Aebi (Université de Lausanne). Au fil des années nous avons pu constituer des séries chronologiques sur toute une série d’indicateurs : taux de détention pour 100 000 habitants (à une date données), taux d’entrées annuelles en détention pour 100 000 habitants, indicateur des durées de détention, etc47. Cette base a permis de nombreuses analyses comparées48.
   Mais il serait très intéressant de rapprocher ces données pénitentiaires de données portant sur tous les autres modes de privation de liberté, dans un pays donné.  Le niveau de recours à la prison, dans un pays peut naturellement dépendre de la délinquance et de la criminalité, de l’activité de la police, des textes pénaux, du fonctionnement des juridictions de jugement, de l’exécution des sanctions,  etc. Mais cet usage de la prison ne doit-il pas  être mis, utilement, en relation avec les autres modes de contrôle sociale qui se traduisent aussi par la privation de liberté  (principe des « vases communicants »).
   Aussi serions-nous heureux d’être rejoint par des collègues, d’autres pays intéressés par ce type de démarche globale de la privation de liberté. Nous n’avons pas, pour le moment trouver de partenaires près à s’investir. La mise en place de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) pourra, peut-être, favoriser un tel projet dont l’intérêt heuristique nous parait évident. 
Paris, le 24 août 2009