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vendredi 1 janvier 2010

ACP 172-173 Supplément

   HEBDO - ACP  Supplément au N°172-173                       Paris, le 1er janvier 2010 

Arpenter le Champ Pénal
Approche indisciplinaire
                                                                               8ème année
     Directeur de la publication : Pierre V. Tournier

Avec tous mes vœux pour la nouvelle année.
PVT
 
  Attendez-vous à trouver …                                                        12 pages                                                                         

   1. Fait d’aujourd’hui : un policier décédé à Montévrain (Seine-et-Marne)
    2. Le kiosque : AJ.Penal (Dalloz)  consacre un dossier à la loi pénitentiaire
    3. Création du Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN)
  
    Déviances & citoyenneté 
    4. Association « DES Maintenant en Europe », assemblée générale constitutive
        le samedi 16 janvier, 10h. Cité Saint Martin, Paris 4ème (réunion publique) 
    5. Témoignage de Maître Etienne Noël 
    International  
    6. International Centre for Prison Studies (Londres)
    A paraître dans le prochain ACP (11 janvier 2010)
    Point de vue : De l’évaluation psychiatrique dans les suites immédiates d’un passage
    à l’acte criminel par Marlène Abondo et Mariannick Le Gueut.

 
*** FAIT D’AUJOURD’HUI *** 
- 1. - Communiqué du syndicat : Unité SGP Police Force Ouvrière. « Policier décédé à Montévrain (Seine-et-Marne) »  30/9/09.
Toute intervention peut tourner au drame ! « C'est l'ensemble de la profession qui est en deuil aujourd'hui, l'Union SGP Unité Police présente ses sincères condoléances à la famille et aux proches de Patrice. » Le métier de policier n’est pas anodin et son action prend tout son sens lorsqu’une situation présente des risques de dangerosité. Mais nul ne peut prévoir quelle tournure prendra une intervention, quelle qu’elle soit. Un incident qui apparaît banal peut devenir un drame. C’est ce qui s’est produit dimanche soir 27 décembre à Montévrain : un témoin appelle pour signaler un cambriolage, des policiers du commissariat de Chessy (Seine-et-Marne) se rendent sur place et survient le drame ! Surpris en plein cambriolage, les malfaiteurs n’hésitent pas à foncer délibérément sur les policiers au volant d’un 4x4 volé aux propriétaires de la maison. Le major est très grièvement blessé aux deux jambes et décédé hier dans la nuit à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. Au delà de la solidarité indispensable envers notre collègue et sa famille, l’Union SGP Unité Police rappelle, s’il en est besoin et sans polémique aucune, la nécessité vitale de disposer des conditions optimum pour mener à bien les tâches de ce métier, intrinsèquement dangereux. Les effectifs et les moyens doivent être en permanence et partout à la hauteur afin que les policiers puissent accomplir, parfois au risque de leur vie, les missions de service public pour assurer la tranquillité des citoyens.
* Contact Presse : Catherine Macaine 06 79 97 44 20 - Yannick Danio 06 99 93 02 12
 
*** LE KIOSQUE *** 
- 2. - Actualité juridique. Pénal, n°12/2009, Editions Dalloz. Dossier sur la loi pénitentiaire : 
- « Regard d’un administrativiste sur la loi du 24 novembre 2009 », par Eric Péchillon, maître de conférences à l’Université de Rennes 1.
- « Le nouveau droit pénitentiaire et le respect du droit européen. Esquisse de comparaison », par Jean-Paul Céré,  maître de conférences à l’Université de Pau.
- « Application des peines : la prétendue ‘bonne partie’ de la loi pénitentiaire », par Martine Herzog-Evans, professeur à l’Université de Reims.
A lire aussi «  De la victime oubliée à la victime sacralisée » par Robert Cario, professeur à l’Université de Pau. 
*** CELA SE PASSE EN FRANCE *** 
- 3. - Le décret créant le Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN) est publié mardi au Journal officiel. Cette nouvelle structure définira les orientations et les priorités de programmation militaire, de dissuasion, d'opérations extérieures, de renseignement, de  sécurité intérieure ou de lutte contre le terrorisme.
Le CDSN entrera en vigueur le 13 janvier prochain. Il comptera deux formations spécialisées : le Conseil national du renseignement (CNR) et le Conseil des armements nucléaires (dissuasion nucléaire).
Le CNR remplacera le Comité interministériel du renseignement (CIR) qui était sous la responsabilité du Premier ministre. Il sera chargé de définir les orientations stratégiques et les priorités du renseignement et de planifier les  moyens humains et techniques des services secrets français. Ceux-ci sont au nombre de quatre : Direction centrale de la sécurité intérieure, créée officiellement le 1er juillet 2008 et regroupant l'ex-Direction de la surveillance du territoire (DST) et les ex-Renseignements généraux ; Direction générale de la sécurité extérieure ; Direction du renseignement militaire ; Direction de la protection et de la sécurité de la  défense (ex-Sécurité militaire).
Le décret prévoit également qu'un coordonnateur national du renseignement conseillera le président de la République dans le domaine du renseignement et coordonnera l'action et la coopération des services. Nommé en août 2008 par un arrêté de Nicolas Sarkozy, ce coordonnateur, l'ambassadeur Bernard Bajolet, s'est entouré à l'Elysée d'une petite équipe de quatre personnes.
Enfin, le décret modifie les missions du Secrétariat général de la  défense nationale (SGDN), qui devient le Secrétariat général de la défense et de  la sécurité nationale (SGDSN), mais reste un service du Premier ministre. Le SGDSN assurera notamment le secrétariat du Conseil de défense et de sécurité nationale.
 
*** DÉVIANCES ET CITOYENNETÉ ***
 
     Avertissement. La rédaction d’ACP ne partage pas nécessairement le positionnement politique des personnes physiques ou morales citées dans ces rubriques. Par la diffusion de ces informations, elle souhaite simplement favoriser le débat d’idées dans le champ pénal, au delà des travaux et manifestions scientifiques que cet hebdomadaire a vocation à faire connaître.
 
*** DES MAINTENANT EN EUROPE ***
  « Le courage en politique n’est pas toujours perdant »

 
- 4. - Samedi 16 janvier 2010 de 10h à 13h
Cité  Saint-Martin, 4, rue de l’Arsenal, Paris 4ème, salle Van Gogh, métro Bastille.
Assemblée générale constitutive 
    Le Club « Déviances Et Social-démocratie Maintenant en Europe » qui existe, de façon informelle, depuis octobre 2004 a décidé de se constituer en association « loi 1901 », avec les mêmes objectifs. L’assemblée générale constitutive se tiendra à Paris. Elle sera publique comme l’ont été, jusqu’à présent, toutes les activités du club.
 
« Des Maintenant en Europe » :
Raisons d’être, façons d’agir
Table ronde entre les fondateurs présents 
- Entrée libre, sans inscription -


    Membres fondateurs 
* Pierre V. Tournier, docteur en démographie, directeur de recherches au CNRS,
* Serge Blisko, docteur en médecine, député de Paris (10ème), membre du groupe socialiste, membre de la commission des lois, président du groupe d’étude sur les prisons de l’Assemblée nationale,
* Alain Cugno,  docteur d’Etat en philosophie, professeur agrégé en retraite,
* Eric Debarbieux, docteur en sciences de l’éducation, professeur des universités, Bordeaux 2, directeur de l’Observatoire international de la violence scolaire, membre du conseil d’orientation de l’ONDRP,
* Jean-Michel Dejenne, directeur d’établissement pénitentiaire,
* Daniel Dériot, travailleur social dans un centre d'urgence d'Emmaüs,
* Eric Kania, docteur en médecine, psychiatre, SMPR des Baumettes, Marseille,
* Edith Lhomme-Tournier, agent commercial, ThyssenKrupp Mannex,
* Eric Marlière, docteur en sociologie,
* Pierre Méheust, professeur certifié d’histoire, ancien président du GENEPI,
* Pierre Pélissier, magistrat, conseiller à la Cour d‘appel de Versailles, ancien président de l’ANJAP, * Christiane Pernin, présidente d’une association d’aide aux familles de personnes détenues, Blois,
* Dominique Raimbourg, avocat, député de Loire Atlantique (4ème), membre du groupe socialiste, membre de la commission des lois, vice-président  du groupe d’étude sur les prisons de l’Assemblée nationale, 
* Thierry Tintoni, capitaine de police,
* Philippe Zoummeroff, docteur ingénieur, industriel en retraite.
 
"Déviances Et Social-démocratie Maintenant en Europe", c/o M. Pierre V.  Tournier
43, rue Guy Môquet 75017 PARIS, Tél. Fax Rép. 01 42 63 45 04
    Statuts (version provisoire)  
   Article 1er  - Il est fondé entre les adhérents aux présents statuts une association, de droit français, régie par la loi du 1er juillet 1901 et le décret du 16 août 1901 ayant pour nom  Déviances Et Social-démocratie Maintenant en Europe, dénommée ci-après l'Association.
   Art. 2 L’Association inscrit son action dans la suite du Club informel DES Maintenant en Europe fondé par Pierre V. Tournier, à Paris le 28 octobre 2004, dans la mouvance de la social-démocratie européenne. L’association n’en est pas moins indépendante de toute organisation partisane.      
    Art. 3 Comme les actions menées par le club informel l’ont illustré depuis 2004 (voir annexe « Raisons d’être, façons d’agir »), l’association a pour vocation de rassembler les progressistes qui, pour des raisons professionnelles et/ou militantes s'intéressent à la question des déviances, de la délinquance et de la criminalité et aux réponses que la société doit lui apporter : prévention, aide aux victimes, poursuites à l’égard des auteurs, alternatives aux poursuites, prononcé des mesures et des sanctions, modalités d’exécution des unes et des autres en détention comme dans la communauté.
   L’association agit, dans son champ de compétence, pour favoriser la mise en œuvre politique, résolument réformiste, des réflexions de ses membres, de leur action sur le terrain, de leur engagement de citoyen.  
  … / …

 
Vous envisagez d’adhérer à DES Maintenant en Europe, faites le savoir… 
*** TÉMOIGNAGE ***

 
- 5. - Témoignage de Maître Etienne Noël, Rouen
Il s’appelait Justin, il avait 77 ans ; il est mort, comme un chien, seul dans sa cellule du vieux centre de détention de Liancourt (Oise), le 26 novembre 2009 ; il a été retrouvé inanimé, à 23h10 par le surveillant qui effectuait sa ronde, saignant au niveau du visage ; le décès a été constaté à 23h30.
Justin était totalement seul dans la vie ; personne ne le pleurera.
La levée d’écrou a été effectuée à 2h14 par le premier surveillant de permanence.

Il aurait été bien préférable que cette levée d’écrou intervienne  du vivant de Justin !

Il en aurait été de la plus simple humanité !
Ce drame, c’est l’échec désastreux de tous les intervenants qui ont joué un rôle dans la procédure de suspension de peine qui devait aboutir à la remise en liberté de Justin pour raison médicale.
Ce texte, d’une humanité profonde, a été élaboré puis voté, au sein de la loi du 4 mars 2002, dite Loi KOUCHNER, afin de permettre aux personnes détenues dont le pronostic vital est engagé ou dont l’état de santé est incompatible avec la détention, de voir la peine qu’elles purgent, suspendue pour une durée indéterminée, ce, afin de leur permettre de finir leur jours en liberté ou de se voir prodiguer des soins jusqu’à retour en meilleure santé.
Justin était âgé, malade, handicapé en fauteuil roulant, sénile ; il ne pouvait plus dire quelle peine il purgeait ; il avait du mal à reconnaître les personnes qui venaient le rencontrer ; il faut dire qu’il n’avait pas de permis de visite ou si peu ! depuis 10 ans qu’il était détenu, il avait bourlingué entre Liancourt et l’hôpital de Fresnes, compte tenu de son état de santé de plus en plus précaire.
Justin comprenait difficilement les explications que je lui donnais afin de lui expliquer que la procédure compliquée qui était en œuvre devait permettre de le remettre en liberté, chez une amie de vingt ans ; à chaque visite, il fallait le lui expliquer à nouveau et tenter que lui-même raconte, si les experts étaient passés, comment se passait sa vie en détention etc.

Justin se déplaçait, comme de nombreux autres détenus de Liancourt, en fauteuil roulant ; il ne marchait pratiquement plus, sinon quelques pas dans sa cellule et très lentement ; lorsqu’il éprouvait le besoin de se rendre sur les toilettes, à l’autre bout de sa cellule, généralement, il y arrivait trop tard et il appartenait aux codétenus ou aux surveillants de nettoyer.

Justin avait besoin de l’aide de codétenus pour les actes basiques de la vie quotidienne : toilette, repas, et ménage de la cellule bien sûr !
Le service médical du centre de détention de Liancourt avait, dans le but d’une mise en invalidité, non aboutie, fait réaliser une évaluation du niveau de dépendance ; ainsi, Justin, seul, ne pouvait plus faire sa toilette intime, assurer l’hygiène de l’élimination urinaire et fécale, se déplacer seul en détention ; il avait besoin d’aide pour tout le reste, soit le reste de la toilette, s’habiller, se déplacer à l’extérieur de sa cellule ainsi que tout ce qui concernait ses repas, à l’exception du geste consistant à porter les aliments à sa bouche ; quant aux activités de loisirs et sportives, n’en parlons même pas !
Malgré tout cela, Justin, à l’issue de l’audience du 10 juillet 2009, devant le tribunal de l’application des peines, n’a pas obtenu la suspension de peine qu’il demandait !
Ce jour là, comme cela m’arrive beaucoup trop souvent, j’ai poussé son fauteuil roulant dans la salle d’audience aménagée en détention, je l’ai installé à côté de moi ; avant l’audience, il avait fallu le rassurer, le réconforter, lui dire que les juges n’allaient pas le manger !

J’étais confiant, malgré les rapports des experts qui disaient en substance que tout allait bien madame la marquise ; je me disais que les juges allaient bien voir que la place de Justin n’était pas en prison ; cette fois ci, j’avais confiance dans leur humanité, même si, déjà, ils n’avaient pas voulu « sortir » une autre personne âgée, détenue ainsi qu’une autre personne paraplégique.
Ils allaient bien voir que Justin était incapable d’aligner une phrase compréhensible, qu’il hochait la tête de façon…
L’administration pénitentiaire, cette fois ci (rendons à César…), a émis un avis favorable au motif, que j’ai partagé, qu’il n’appartenait pas aux surveillants de nettoyer la cellule tous les jours après les accidents de parcours vers les toilettes.
Malgré ce tableau affligeant, d’une tristesse inouïe, le parquet s’est retranché derrière les expertises (nous en parlerons après de ces « expertises »), pour réclamer le rejet de la requête au motif que « l’âge n’est pas en soi une raison justifiant une remise en liberté et que nous étions tous soumis aux outrages du temps » !
Je me suis battu pour que la décision soit, au mieux, l’octroi de la mesure, par simple humanité ou, une ou plusieurs contre expertises ou, au pire, un complément d’expertise.

En repartant, il a fallu, encore une fois, rassurer Justin, lui expliquer ce qu’il s’était passé, lui caresser la main pour le rassurer, le consoler, il pleurait comme un enfant ; il ne voulait pas que je parte.
Le tribunal d’application des peines, par sa décision, rendue le 7 août suivant, n’a heureusement pas rejeté la demande, mais a ordonné un complément d’expertise, confié aux mêmes experts, afin d’apprécier la compatibilité de l’état de santé de Justin avec la détention (comme si ça ne sautait pas aux yeux !)
Ce résultat, même s’il était possible au tribunal d’accorder la mesure au vu des éléments du dossier attestant de la dépendance, est en soi une petite victoire (on apprend trop facilement à sa contenter de peu lorsqu’on est avocat, c’est un travers contre lequel il faut lutter, un mauvais pli) ; en effet, il m’est arrivé que des juges d’application des peines rejettent des demandes de contre expertises au motif que la loi sur la suspension de peine ne le prévoit pas expressément alors que cela fait partie de leurs pouvoirs généraux ; la question de la compatibilité de l’état de santé avec la détention est trop souvent vue d’une façon beaucoup trop abstraite par les magistrats qui connaissent peu ou mal la prison et les difficultés qu’y rencontrent ceux qui y vivent mal, en bonne santé, encore beaucoup plus mal lorsqu’ils sont malades, handicapés, en fauteuil roulant…
Les experts, donc, ont à  nouveau été missionnés par ce jugement rendu le 7 août 2009 qui a renvoyé le dossier de Justin à l’audience du 19 octobre suivant.
Ce jour là, le dossier a, à nouveau, été renvoyé…les experts n’étaient pas passés !
Le 16 novembre 2009, lorsque je suis venu voir Justin à Liancourt, en même temps que plusieurs autres clients détenus dont une personne handicapée en fauteuil roulant, amputée d’une jambe… ambiance de cour des miracles…, Justin m’a dit que les docteurs n’étaient pas encore venus…en fait, il m’a dit qu’il n’avait vu personne !
Puis, plus aucune nouvelle jusqu’à ce que je reçoive, il y a quelques jours, mi décembre, un certificat de décès de Justin !
Personne ne m’avait prévenu qu’il était décédé depuis plus de trois semaines !

J’appelle service social de Liancourt (le SPIP), personne ne me répond ; je commence à maudire le travailleur social de Justin avec lequel je m’était longuement entretenu à l’orée de la procédure, jusqu’à ce que j’apprenne qu’il avait été muté ailleurs, ce qui me rassure compte tenu des excellents rapports que j’avait entretenus avec lui ; il n’était pas en cause dans cette carence ! Il en va tout autrement de son successeur !

Il faut dire que ce silence reflète la place insignifiante de l’avocat en prison ; personne ne pense à lui et pour cause, il est (encore, mais cela ne va peut-être pas durer ?) absent, désespérément absent !
Quoiqu’il en soit, lorsqu’un avocat est présent, on ne le prévient pas, d’une part, que son client est en phase terminale (dixit les rapports de la direction de Liancourt), d’autre part, qu’il est mort !
J’appelle le greffe du JAP….là, on m’annonce benoîtement que Justin est décédé !

Je n’ai même pas eu le réflexe d’hurler : et pourquoi ne m’avez-vous pas prévenu ?

Même en supposant que je le savais déjà, au pire ça aurait fait double emploi ; c’était une précaution, une prévenance élémentaire, d’abord pour Justin, pour sa mémoire, ensuite, pour montrer qu’on ne se fout pas de l’avocat comme de l’an quarante !
Moyennant quoi, la greffière me relate en quelques mots la découverte de la mort de Justin, dans sa cellule, au retour d’une hospitalisation à la Pitié Salpêtrière.

Quelques jours plus tard après plusieurs rappels…mais vous pensez bien on n’a pas que ça à faire, j’obtiens les PV relatant les circonstances du décès de Justin.

J’apprends qu’il était en phase terminale, en surveillance spéciale depuis le 15 novembre, qu’il saignait de la bouche quelques jours avant son décès, qu’un surveillant, la nuit de celui-ci, vers 20h20, l’a vu allongé sur son lit, a bien vérifié qu’il respirait toujours, avant de le retrouver, à 23h 05, par terre, inanimé, ne ventilant plus.

Phase terminale ?

Qu’en ont pensé les experts qui ont examiné Justin dans le cadre de la procédure de suspension de peine ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont totalement failli à leur mission ! A moins qu’ils aient vu une autre personne ?
Non, la principale carence des experts médicaux (on fait avec ceux qui sont sur la liste, tant pis s’ils sont nuls !), c’est qu’ils ne connaissent pas la prison et les conditions tout à fait particulières de vie de ceux qui utilisent ce service public.
Et puis aussi, les experts sont rassurés parce que d’autres (« chers ») confrères prennent en charge les détenus au sein des unités de consultation et de soins ambulatoires et qu’en cas d’urgence, l’hôpital local est tout proche et, bien sûr, les détenus peuvent y être admis rapidement pour y être soignés avant d’être ramenés en détention !

Erreur !
Les Unités de consultation et de soins ambulatoires, comme leur nom l’indique, ne peuvent prodiguer que des soins réduits, basiques, quelque soit le dévouement du personnel qui y travaille.
Les admissions à l’hôpital sont contingentées en raison de la nécessité d’une escorte pour l’extraction, de chambres dotées de gardes statiques, police ou gendarmerie, pour les hospitalisations qui dépassent une journée.

En cas d’urgence, la nuit, les surveillants ne peuvent réagir que durant les rondes, parfois beaucoup trop tard, le temps que le SAMU parvienne sur place, et, très fréquemment, le pire est arrivé.
La plupart des experts ignore donc tout de la réalité carcérale ; de plus, des médecins généralistes sont souvent désignés pour examiner des personnes détenues porteurs de pathologies spécifiques rendant indispensable la désignation de spécialistes ; conséquence, ils passent à côté d’un diagnostic qui aurait modifié totalement les conclusions de leur rapport.

Oh, bien sûr, il sera facile de me dire que je me trompe que les médecins savent ce qu’ils font que je n’y connais rien, moi, pauvre avocat, face à la Faculté de médecine !
Ce que je sais, c’est que, souvent, les rapports que j’ai lus, dans de telles procédures qui engagent le reste de la vie d’un Homme, ne dépassaient pas une page, de véritables torchons, à peine plus long qu’une ordonnance pour un rhume !
Concernant Justin, il y a eu un expert pour affirmer que le pronostic vital n‘était pas engagé et que son état de santé était compatible avec la détention ! Tu parles !
Et la dépendance ?

En tout état de cause, les experts, le 26 novembre 2009, n’étaient pas revenus voir Justin ne n’avaient déposé leur complément d’expertise qui datait pourtant du 7 août précédent, soit près de quatre mois plus tôt !

Quel mépris de la personne humaine !
Autre exemple, une personne, atteinte de myopathie depuis de nombreuses années, bénéficiaire d’une suspension de peine, subit, comme le texte le prévoit depuis décembre 2005, une expertise semestrielle, destinée à vérifier si les conditions de la suspension de peine sont toujours remplies.

Chacun sait que la myopathie est une maladie implacable dont l’issue est toujours fatale ; le Téléthon est là pour nous le rappeler chaque année dès fois qu’on vivrait, nous aussi, sur une autre planète !
Or, il a existé un expert pour estimer que cette personne manifestement allait mieux, qu’elle simulait et exagérait la gravité de son état de santé… « …c’est de bonne guerre, il ne veut pas retourner en prison », que la nécessité permanente du port d’un respirateur autonome (en raison d’une aggravation de la maladie postérieure à l’octroi de la suspension de peine) n’était qu’un épiphénomène et qu’une réincarcération était possible, l’état de santé étant redevenu compatible avec la détention !

Il s’est aussi trouvé un juge d’application des peines, malgré mes efforts, à l’audience, en rappelant que cette maladie, même si elle connaît des rémissions, n’autorise aucune amélioration, pour ordonner la réincarcération de cette personne qui a été priée de se présenter à la porte de la maison d’arrêt munie de son respirateur portatif !

Heureusement, il s’est aussi trouvé une cour d’appel pour, six mois plus tard, infirmer ce jugement et ordonner la remise en liberté au motif que la réincarcération de cette personne constituait un traitement inhumain.

Moyennant quoi, mon client aura tout de même purgé six mois de détention, prostré dans sa cellule,  ne pouvant ni marcher ni s’allonger au risque de s’étouffer en raison de l’atrophie quasi-totale des muscles de sa cage thoracique.
Sur quelle planète vit le juge qui a ordonné la réincarcération de cet être humain ?

Sur quelle planète vit le juge qui refuse une permission de sortir à un détenu afin d’assister à la naissance programmée de son enfant au motif que l’on ne connaît pas le jour de la naissance (les lectrices comprendront…) ?

Sur quelle planète et de quel droit un juge refuse-t-il une permission de sortir au seul motif que la fin de peine est trop éloignée, à un détenu qui se trouve dans les délais pour solliciter une telle mesure ?
Sur quelle planète vit le juge qui, présidant une cour d’assises, indique à ses assesseurs et aux jurés que l’accusé, dans sa cellule, n’a qu’à déplacer son assiette de quelques centimètres afin de ne pas être incommodé par la puanteur des toilettes alors que celle-ci envahit l’ensemble de l’espace (très réduit) de la cellule !
Sur quelle planète vit le juge qui refuse une suspension de peine à une personne atteinte du  SIDA au seul motif que les victimes ne comprendraient pas alors que d’autres juges, quelques mois plus tard, à l’hôpital de Fresnes, infiniment plus humains, l’accorderont alors qu’il est définitivement condamné à mourir ?
Ces mêmes juges, quelques mois auparavant, auront, au terme d’une procédure d’une semaine, suspendu la peine d’une autre personne atteinte du SIDA au détour d’une audience tenue autour du lit de celle-ci.

Exemples qui autorisent l’espoir mais exemples rares, encore une fois !
Ainsi, on en est réduit, lorsqu’un détenu sollicite nos conseils pour demander un transfert, à préconiser un établissement pour peine, en fonction, soit de la personnalité du juge de l’application des peines, soit des qualités de la chambre de l’application des peines ou du parquet général, (ne parlons même pas de la chambre de l’instruction !) avant même de s’interroger sur l’encombrement ou l’état de l’établissement pénitentiaire lui-même !
Enfin, d’une façon plus générale, il convient de s’interroger sur l’absurdité des lois sensées lutter contre la récidive.
Un exemple : Pourquoi priver de la libération conditionnelle parentale les condamnés en récidive, sinon pour les saquer encore et toujours ?
En agissant ainsi, on crée des victimes par ricochet parmi les familles qui subissent eux aussi les effets de la loi.
En outre, cette attitude évite de s’interroger sur les causes de la récidive, qui sont multiples, sociales, économiques, psychologiques avant d’être liées au facteur de la criminalité viscérale cher à notre président ; on évite également de s’interroger réellement sur l’indigence des moyens alloués à la réinsertion durant l’exécution de la peine, sur le nombre astronomique des sorties sèches de condamnés qui sortent de prison dans le même état, sinon en pire, que celui dans lequel ils étaient à leur entrée en détention ?
Sans aller jusqu’à évoquer un réel déterminisme, il est sûr que l’absence de prise en charge des condamnés en fin de peine par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, alors que les textes existent, constitue un réel risque de récidive.
Il est permis de parler, ici, de perte de chance de réinsertion.
On truque les chiffres de la récidive en exagérant à l’excès le taux de la grande récidive criminelle qui est et restera extrêmement faible et encore plus réduit lorsque le condamné bénéficie d’une libération conditionnelle, tout ceci dans le but d’entretenir la peur de l’autre.

En réalité, le taux de récidive, qui a été mis en avant pour justifier le vote de la Loi du 12 décembre 2005, (30% mais 30 % de quoi ?) est gonflé par les très petites infractions, sanctionnées par de courtes peines qui seront automatiquement augmentées, en application de la loi d’août 2007, instaurant les peines plancher diminuant d’autant, à chaque réincarcération, les chances de réinsertion.

Voilà, je ne sais comment intituler ce texte ni quel est réellement son but ; peut-être déverser un trop plein d’amertume, suite au décès de Justin, un élément de plus qui entretient ma révolte et qui m’a poussé à jeter, un peu en vrac, ce que j’ai sur le cœur et qui s’accumule depuis plus de douze années que je passe mes journées en prison  ; je le dois à Justin, à Jeff, à Christian, à Jacky, aux deux Thierry, à Jean François, à Idir, à Malik, à Nordine, et à tous les autres qui sont sortis de prison en bon ou mauvais état, ou…morts.
Maître Etienne Noël 
Remarques de PVT : Le quotidien Le Monde a consacré un article à cette affaire dans sa livraison datée du 1er janvier 2010. Incarcéré depuis octobre 1999, Justin Nadon purgeait une peine de réclusion criminelle à perpétuité, prononcée en appel, en mai 2003, pour viol d’un mineur de 15 ans. Il était récidiviste et avait déjà effectué plusieurs longs séjours en prison pour les mêmes raisons. Sa première condamnation remontait à 1961. Il avait alors 29 ans et fut condamné à 12 ans de réclusion criminelle pour attentat à la pudeur sur mineur de 15 ans avec violence. Célibataire sans enfant, il n’avait qu’une amie Mme C. qui le visitait une ou deux fois par an et était disposée à l’accueillir chez elle pour qu’il y finisse sa vie. Une enquête préliminaire pour cause de la mort est ouverte au Parquet de Beauvais. 
* Rappel sur les taux de nouvelles condamnations. La dernière enquête nationale dont nous disposons sur le sujet porte sur des échantillons de condamnés libérés, entre le 1er mai 1996 et le 30 avril 1997. Pour les détenus ayant été sanctionnés pour agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle (crime ou délit) sur mineur, le taux de retour sous écrou dans les 5 ans qui suivent la libération est de 11% (1). Précisons ce que signifie ce taux : il n’est pas question ici de récidive légale. Nous mesurons la proportion de libérés qui ont commis des faits dans les cinq ans après leur libération et qui ont été sanctionnés par une peine ferme privative de liberté, et ce quelle que soit la nature de la nouvelle infraction commise, qu’il s’agisse d’une agression sexuelle ou non.
 
(1) Référence : Kensey Annie, Tournier Pierre V., 2005, Prisonniers du passé ? Cohorte des personnes condamnées, libérées  en 1996-1997 : examen de leur casier judiciaire 5 ans après la levée d’écrou (échantillon national aléatoire stratifié selon l’infraction), Ministère de la Justice, direction de l’administration pénitentiaire, Coll. Travaux & Documents,  n°68, 2005, livret de 63 pages + CD ROM.  
*** FROM CENTRE FOR PRISON STUDIES, LONDON ***
- 6. Information from Helen Fair, Research Associate, International Centre for Prison Studies, School of Law King's College London.
A long-term solution at last
http://www.guardian.co.uk/drug-treatment/comment  
The real cost of addiction
http://www.guardian.co.uk/drug-treatment/cost-of-addiction  
Tough on the causes of crime
http://www.guardian.co.uk/drug-treatment/drugs-and-crime  
Indian jail aims to be 'world's first green prison'
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5h48CG0Jlk-tbdGfCOctcxuvr-QPA  
Rwanda: Growing Food From Prison
http://allafrica.com/stories/200912170051.html

Why ignore what works in prisons?
http://www.guardian.co.uk/society/joepublic/2009/dec/17/government-ignores-prisons-success  
Detention centre branded 'unacceptable' for women and children
http://www.guardian.co.uk/uk/2009/dec/18/tinsley-detention-centre-unacceptable-children  
US imposes fewer death penalties as DNA evidence see more people cleared
http://www.guardian.co.uk/world/2009/dec/18/death-penalty-falls-us

Human rights aren't just for cute kids
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/libertycentral/2009/dec/18/human-rights-immigrant-detainees  
Doing time with Mum
http://www.guardian.co.uk/lifeandstyle/2009/dec/19/children-babies-mothers-prison  
Maghaberry governor 'forced out by prison officers' (Northern Ireland)
http://www.guardian.co.uk/uk/2009/dec/20/maghaberry-governor-forced-out  
Prisoners 'to help repair canal'
http://news.bbc.co.uk/1/hi/wales/8422433.stm  
One in three violent crimes results in a caution
http://www.telegraph.co.uk/news/uknews/crime/6852228/One-in-three-violent-crimes-results-in-a-caution.html  
Tories call for compulsory drug-testing for Scottish prisoners
http://news.scotsman.com/politics/Tories-call-for-compulsory-drugtesting.5925288.jp  
Adoption of proposed prison sentence 'price list' likely to spur stormy debate in Knesset committee  (Israel)
http://www.haaretz.com/hasen/spages/1136473.html  
Officers hold 'no confidence' vote in Verne governor
http://www.dorsetecho.co.uk/news/4813973.Officers_hold__no_confidence__vote_in_Verne_governor/  
Prison custody deaths increase over past year: Report (Canada)
http://www.canada.com/health/Prison+custody+deaths+increase+over+past+year+Report/2356366/story.html  
Spain's 'guardian angels' help reduce prison suicides
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gn6GrnVzKeCC8rMys72ykde4r6Kg  
Youth Justice Board issues guidance on minimising restraint
http://www.cypnow.co.uk/bulletins/Daily-Bulletin/news/974737/?DCMP=EMC-DailyBulletin