ACP N°120 - ARPENTER le champ pénal.
* Trois remarques à propos des débats et polémiques diverses autour de la criminologie.
1/ Dans son édition datée du samedi 24 janvier 2009, le quotidien « le Monde » consacre un article, en page 11, à la nomination d’Alain Bauer comme professeur de « criminologie appliquée » au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Le Monde affirme que j’ai soutenu ce projet. C‘est une contrevérité. D’ailleurs, cette question n’a jamais été abordée, en ma présence, au sein de la mission sur « la formation et la recherche stratégique », présidée par Alain Bauer. Aussi ai-je demandé au quotidien la publication de ce correctif : « Pierre V. Tournier, directeur de recherches au CNRS n'a jamais, en quoi que ce soit, soutenu le projet de création d'une chaire de criminologie au CNAM sur le quota des chaires nommées par le gouvernement. Par ailleurs, il est bien évidemment opposé à ce type de recrutement où les critères partisans font passer les qualifications scientifiques au second plan ».
2/ Je répondrai ultérieurement aux autres contrevérités qui circulent, actuellement, sur diverses pétitions de nature politique qui n’ont que peu de rapport avec mes préoccupations scientifiques concernant a/ la création d’un véritable Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, b./ le développement de filières universitaires en criminologie faisant appel à toutes les disciplines utiles dans ce champ : droit, sciences sociales, sciences du psychisme, statistique, philosophie. Je me répète mais certains ne semblent pas bien comprendre ce dont je parle et ce pourquoi j’agis au sein de la mission « Bauer », malgré tel ou tel désaccord de fond avec son président. Chez les sectaires « travailler avec » semble toujours signifier « penser comme ». C’est au mieux « l’esprit de bande », au pire le comportement de « meute ». J’ai d’autres conceptions de mon métier de travailleur scientifique, fonctionnaire d’Etat.
3/ Il n’est plus possible de s’inscrire au colloque que j’organise le mardi 3 février 2009 sur « Criminologie : formation et recherche. Sortir de l’exception française ? » Les capacités du Grand Auditorium « Marie Curie » du siège du CNRS sont déjà dépassées. Vous serez naturellement tenus au courant des suites de cette rencontre dans les prochains numéros d’ACP.
PVT
Les comptes du Lundi. Gardes à vue en 2008
Le nombre de gardes à vue continue à augmenter d’une année sur l’autre, mais à un rythme nettement plus faible qu’auparavant : 2002 / 2001 = 13 %, 2003 / 2002 = 12 %, 2004 / 2003 = 11 %, 2005 / 2004 = 5,6 %, 2006 / 2005 = 6,5 %, 2007 / 2006 = 5,9 %, 2008 / 2007 = 2,8 %,
D’une durée de vingt-quatre heures, la garde à vue peut être prolongée de vingt-quatre heures par le procureur de la République, la durée maximale étant de quatre jours en matière de trafics de stupéfiants ou de terrorisme. En 2008, on a recensé 577 816 gardes à vue contre 562 083 l’année précédente, soit une augmentation de 2,8 % : 477 223 de vingt-quatre heures au maximum contre 461 417 en 2007 (+ 3,4 %) et 100 593 de plus de vingt-quatre heures contre 100 666 ( - 0,1 %). Il s‘agit naturellement de données de flux. Nous ne disposons pas de données de stock. En considérant, en première approximation, que les gardes à vue de vingt-quatre heures au maximum durent, en moyenne, douze heures et que celles de plus de vingt-quatre heures durent, en moyenne, trente-six heures, on obtient un nombre de gardés à vue (P), à un instant donné d’environ de près de 1 100 personnes.
P = 477 223 x 0,5 / 365 + 100 593 x 1,5 / 365 ≈ 1 070 ( 1050 en moyen au cours de l’année 2007).
Les données de flux sont connues par nature d’infraction. En 2008, pour les gardes à vue de vingt-quatre heures au maximum, on compte, principalement, 72 466 gardes à vue pour infractions à la police des étrangers (contre 72 572 en 2007, - 0,1 %), 59 730 pour coups et blessures volontaires (contre 53 747, + 11 %), 49 008 pour usage de stupéfiants (contre 42 883, + 14 %), 22 502 pour recels (contre 23 008, - 2,2 %), 19 355 pour vols à l’étalage (contre 18 723, + 3,4 %) 14 870 pour outrages à dépositaires de l’autorité (contre 14 933, - 0,4 %), 12 871 pour escroquerie et abus de confiance (contre 11 886, + 8,3 %), 9 680 pour destructions et dégradations de biens privés (contre 10 683 – 9,4 %), 10 947 pour violences à dépositaire de l’autorité (contre 10 550, + 3,8 %).
Les statistiques relatives aux gardes à vue ne permettent pas de distinguer les hommes des femmes, les français des étrangers, les mineurs des majeurs, comme on peut le faire à partir des données sur les personnes mises en cause.
PVT
Gardes à vue (France métropolitaine)
2001 | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | |
Ensemble | 336 718 | 381 342 | 426 671 | 472 064 | 498 555 | 530 994 | 562 083 | 577 816 |
24h maxi | 280 883 | 312 341 | 347 479 | 386 080 | 404 701 | 435 336 | 461 417 | 477 223 |
+ de 24h | 55 835 | 69 001 | 78 922 | 85 984 | 93 854 | 95 658 | 100 666 | 100 593 |
Source des données : Ministère de l’Intérieur,
(1) On utilise ici la formule P = E x d, valable pour une population stationnaire, qui relie l’effectif à un instant donné (P), le nombre annuel d’entrées € et la durée de séjour exprimée en années (d)
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*** LE KIOSQUE ***
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- 2. – Revue
- Actualité juridique. Pénal, Dalloz, janvier n°1/ 2009, avec un dossier sur la « Réforme de l’ordonnance de 1945 : le rapport Varinard », contributions de Philippe Bonfils, Adeline Gouttenoire, Josiane Morel-Faury, Isabelle Berro-Lefèvre. ajpenal@dalloz.fr
Internet
Bilan annuel 2008 de l’Observatoire national de la délinquance (OND) :
* la criminalité et délinquance enregistrées en 2008 : http://www.inhes.interieur.
* la géographie des crimes et délits enregistrées en 2008 : http://www.inhes.interieur.
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*** DU COTÉ DU PASSÉ ***
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- 3. - Lettre du Centre de ressources sur l'histoire des crimes et des peines, n°11 :
: http://www.enap.justice.fr/
Dans ce 1er numéro de l'année, le CRHCP vous invite à découvrir, sur le site internet de l'Enap, une exposition de photographies sur les personnels et les pratiques profession-nelles dans l'Entre-deux-guerres, à partir d'une sélection dans le fonds Henri Manuel dont l'Enap est dépositaire :
http://www.enap.justice.fr/
* Informations transmises par Jean-Marc Berlière, Université de Dijon,
- Lyon. Vendredi 6 mars 2009. « Surveiller la ville : organisation et pratiques de la police lyonnaise au XIXe siècle » http://calenda.revues.org/
- Paris. Mardi 20 janvier 2009. 19h - 20h30. Séance de l'atelier "Genre et Histoire", à la Maison des Initiatives étudiantes, 50 rue des Tournelles, 75003 Paris, salle des Ailes, 1er étage, consacrée aux « Sources policières, souricières du genre ».
- La thèse que Fabien Cardoni, chercheur associé à l'IDHE, a soutenue il y a quelques années sur un « Epouvantail contre-révolutionnaire » du XIXe siècle est publiée aux Presses universitaires de Rennes sous le titre La Garde républicaine 1848-1871 : d'une république à l'autre. Comme le rappelle fort justement son auteur la garde de Paris et autres appellations est le sismographe de l'histoire de la capitale au XIXe siècle. Son existence vacillante traduit fidèlement les répliques successives du tremblement de terre de 1789. De 1848 à 1871, elle traverse — non sans encombre — deux révolutions, un coup d'État et diverses émeutes, et survit à une guerre civile et un siège. L'ouvrage retrace l'action de cette « Garde de la ville » dans les théâtres et sur les barricades, dans ses casernes et sur les fortifs, des Champs-Élysées au faubourg Saint-Antoine, de la barrière d'Enfer, jusqu'à ses migrations liées à la Commune : Montmartre/Belleville/ Versailles. Outre le fait qu'il s'agit d'une institution qui a (elle aussi) constitué longtemps un trou noir de l'historiographie, il s'agit d'un excellent travail qui mérite d'être lu par tous les « amis de la police » et trouvera sa place dans les meilleures bibliothèques.
- Une émission de radio :« La Fabrique de l'histoire » (France Culture) consacrera la semaine du début du mois de février aux traîtres. Elle commencera par un documentaire (réalisé par Aurélie Luneau) (diffusé le mardi 3 février) sur la mémoire et les familles de deux des victimes du « détachement Valmy » Georges Déziré et Mathilde Dardant (Cf JMB et Franck Liaigre Liquider les traîtres , Robert-Laffont, 2007). Les émissions sont podcastables pendant une semaine sur le site de France Culture (Radio France).
- Une histoire de la police néerlandaise accessible en anglais. Le livre de Cyrille Fijnaut, spécialiste de la police des Pays-Bas et maître d'œuvre d'une monumentale De geschiedenis van de Nederlandse politie en 4 volumes parue il y a trois ans, mais malheureusement en néerlandais langue que tout le monde n'a pas, comme Candide, la chance de lire et parler couramment, vient d'être édité en anglais = A History of the Dutch Police, Boom, Amsterdam, ISBN 978 90 8506 456 5 (NUR 680). Tous les détails sur le site : www.uitgeverijboom.nl
- Article de Noémi Lévy sur la police ottomane : Lévy, Noémi (2008) 'Une institution en formation : la police ottomane à l'époque d'Abdülhamid II', European Journal of Turkish Studies, Thematic Issue N° 8 , No. 8 (Surveiller, normaliser, réprimer), URL : http://www.ejts.org/
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*** CELA SE PASSE EN FRANCE ***
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- 4. – SUITE. Appel « Criminologie : pour un dialogue constructif entre disciplines »
- Les 41 premiers signataires de l’appel (liste actualisée) : Michel Massé, Jean Danet, Jean-Paul Jean, Virginie Gautron et Josefina Alvarez, Evry Archer, Jean-Michel Bessette, Philippe Bessoles, Annie Beziz-Ayache, Alain Blanc, Catherine Blatier, Claude Bouchard, Olivier Cahn, Robert Cario, Frédérique Chopin, Philippe Combessie, François Courtine, Michel Danti-juan, Christian Demonchy, Jacques Faget, Claude Faugeron (ancienne directrice du CESDIP), Marie-José Grihom, Sylvie Grunvald, Martine Herzog-Evans, Martine Kaluszynski, Eric Kania, Pascal-Henri Keller, Xavier Lameyre, Christine Lazerges, Laurence Leturmy, Philip Milburn, Valérie Moulin, Frédéric Ocqueteau, Eric Péchillon, Philippe Pottier, Claire Saas, Denis Salas, Jean-Louis Senon, Jean-Luc Viaux, Loïc Villerbu, Anne Wywekens, …
* Celles et ceux qui souhaiteraient s’associer à ce texte peuvent le faire savoir auprès de l’un des premiers signataires à l’une des adresses ci-dessous
michel.masse@univ-poitiers.fr
« Le colloque qui doit se tenir le 3 février prochain à Paris, organisé à l’initiative de Pierre V. Tournier sous le titre « Criminologie : formation et recherche. Sortir de l’exception française ?», a suscité une réaction sous la forme d’un texte intitulé « Pourquoi nous ne voulons pas de la « nouvelle criminologie » et des projets de réorganisation de la recherche sur la « sécurité intérieure » dans lesquels elle s’inscrit », adressé par Laurent Mucchielli et René Lévy à certaines personnes.
Nous sommes un certain nombre, juristes, psychiatres, sociologues, politologues, psychologues, historiens… à avoir répondu favorablement au principe de ce colloque et à avoir accepté d’y participer ou de l’animer, ce qui n’exclut nullement des réserves sur tel ou tel aspect de l’initiative. Ces échanges permettraient à la communauté scientifique de rappeler, d’une seule voix, que les connaissances sur le phénomène criminel ne progresseront pas sans une recherche indépendante, financée, fondée sur des méthodes scientifiques et des données diversifiées. Nous sommes très clairs sur le type de criminologie que nous souhaitons. Nous refusons notamment une centralisation par une commande publique politique et non scientifique, dans une approche fondée sur la seule sécurité.
Nous apprécions les travaux de Pierre V. Tournier, de Laurent Mucchielli, et de René Lévy et nous souhaitons continuer à collaborer avec eux, ce qui n’exclut nullement la diversité des points de vue, des appréciations nuancées sur leurs positions, initiatives ou stratégies. Mais nous refusons toutes les polémiques stériles qui ne seraient fondées que sur des problèmes de personnes et la défense de territoires.
Nous pensons que le dialogue entre tous est nécessaire sur les questions de fond posées par ce colloque et par le texte écrit en réaction. Quant à nous qui sommes enseignants-chercheurs, praticiens, dans différentes disciplines, nous avons besoin plus que jamais, dans le contexte actuel des réformes de l’Université de la Recherche, d’engager un véritable dialogue sur les possibilités d’améliorer, par l’échange interdisciplinaire, l’enseignement et la recherche sur le phénomène criminel. Un dialogue respectueux des compétences et des champs disciplinaires de chacun. Comme enseignants, nous formons des étudiants qui souhaitent devenir magistrats, avocats, commissaires et officiers de police, officiers de gendarmerie, directeur d’administration pénitentiaire, conseillers d’insertion et de probation, directeurs et éducateurs PJJ, psychiatres, psychologues, salariés des collectivités territoriales et du secteur associatif… Des étudiants qui, pour la plupart, n’ont aucune connaissance globale du phénomène criminel et qui ont souvent intégré des lieux communs moraux, des représentations et propos sécuritaires véhiculés par les médias. Ils ont plus que jamais besoin de connaître les analyses et les résultats des recherches engagées par les sociologues, les anthropologues, les politologues, les historiens, les psychologues, etc.
Il nous faut donc réfléchir ensemble sur la façon de fournir à ces étudiants une formation de qualité, ce qui passe ou non - ce peut être l’objet d’un débat - par la création d’une filière universitaire spécialisée. Il ne suffit pas de décréter l’interdisciplinarité pour qu’elle existe. Il nous semble qu’il est urgent de réfléchir aux moyens de la faire vivre, de réfléchir collectivement aux moyens de mutualiser nos connaissances par de véritables échanges voire des recherches pluridisciplinaires.
Nous voulons seulement affirmer ici, sans entrer dans la moindre polémique, que nous souhaitons vivement que le débat s’engage avec tous. »
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- 5. - Le texte de MM Mucchielli et Levy (dans sa version la plus récente) est désormais accessible par le site du CESDIP, service du Ministère de la Justice associé au CNRS et à l’Université Saint-Quentin-en-Yvelines www.Cesdip.fr.
Sur ce site, on lit la chose suivante : « Une pétition circule actuellement [le texte de MM Mucchielli et Levy] face aux menaces de contrôle politique de la production de connaissances dans le domaine de la "sécurité intérieure" et contre la "nouvelle criminologie" que certains utilisent pour tenter de légitimer une conception dévoyée de la recherche scientifique. Le texte de la pétition est en ligne sur le site de l’association "Sauvons la recherche" : http://www.sauvonslarecherche.
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- 6. - LILLE. Création d’un nouveau diplôme dans le champ criminologique : Diplôme d’Université International « Psychologie et Justice » de l’Université de Lille 3, avec la collaboration de l’Institut de Criminologie de l’Université de Lille 2 et de l’Institut Philippe Pinel de Montréal. Avec le soutien de l’Association française de criminologie (AFC) et du Forum européen de politique criminelle appliquée (EFK1).
« Actuellement, la police et la justice (commissariats, tribunaux, établissements péniten-tiaires, services d’aide aux victimes…) sollicitent de plus en plus l’intervention des psychologues (expertises psycho-judiciaires, prises en charge des auteurs et des victimes d’infractions, soutien des professionnels...). Cette collaboration, pour être utile et efficace, nécessite une compréhension réciproque entre le monde de la justice et celui de la psychologie. Une formation universitaire de niveau Master 2 garantit la crédibilité des pratiques professionnelles. Le DUI « Psychologie et Justice » apporte des connaissances théoriques et pratiques de nature juridique, psychologique et criminologique. Les compétences des professionnels seront enrichies par une formation qui se veut transversale puisqu’elle intègre différentes disciplines de la psychologie (psychologie clinique, psychopathologie, psychologie sociale, psychologie du travail et psychologie de l’éducation). La collaboration avec l’institut de criminologie de l’Université de Lille 2 assure l’acquisition des bases juridiques. Cette formation permet en outre de mieux appréhender la diversité des pratiques juridiques et psychologiques par l’ouverture culturelle et la mobilité qu’elle offre par le partenariat international entre l’Université de Lille 3 (France) et l’Institut Philippe Pinel de Montréal (Québec - Canada) et par le soutien de l’EFK1. Cette formation correspond à la première année de la formation en expertise psychologique. »
- Cette formation s’adresse : - aux psychologues ;
- aux étudiants titulaires d’un M1 en psychologie (première année de Master comportant une orientation en psychologie clinique et pathologique ou en psychologie sociale, comprenant une unité d’enseignement majeure de psychologie clinique et pathologique ou de psychologie sociale, à laquelle s’ajoute un mémoire de recherche dans l’une de ces disciplines) ;
- aux professionnels de la police et de la justice ;
- aux étudiants titulaires d’un M1 en droit.
- Responsables pédagogiques : Université de Lille 3 : Nathalie Prygodzki-Lionet, maître de conférences en psychologie sociale. Université de Lille 2 : Alain Prothais, professeur agrégé de droit et directeur de l’Institut de criminologie.
* Contact : Marie-Claude Lammens (du lundi au jeudi inclus). Formation Continue Education Permanente (FCEP) - Lille 3, 9-11, rue Auguste Angellier 59046 Lille Cedex
Tél. : + 33 (0)3 20 15 41 88 – Fax : + 33 (0)3 20 15 41 95
marie-claude.lammens@univ-
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*** PARIS RIVE DROITE, RIVE GAUCHE ***
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- 7. - PARIS. Mardi 17 février 2009, 17h - 19h. Centre d’histoire sociale du XXe siècle, UMR CNRS 8058, Axes « politiques pénales et pénitentiaires dans les sociétés contemporaines ». Séminaire – public - de recherche « Enfermements, Justice et Libertés dans les sociétés contemporaines », dirigé par Pierre V. Tournier. Chaque 3ème mardi du mois.
Lieu : 9, rue Malher Paris IVe (6ème étage), Métro Saint-Paul
Entrée libre et gratuite, sans inscription.
15ème séance, Samantha Enderlin, docteur en droit pénal, "Le statut juridique du détenu au regard des droits fondamentaux".
Discutante : Martine Herzog-Evans, professeur de droit pénal à l’Université de Reims.
« Le statut juridique du détenu au regard des droits fondamentaux :Essentiellement conçu en vue du maintien de l’ordre et de la sécurité des établissements pénitentiaires, le droit pénitentiaire a longtemps été composé de règles non susceptibles de recours et difficilement accessibles, comme hors du champ d'application des principes supra-législatifs. Jusqu’au milieu des années 1990, les droits fondamentaux se concevaient comme des faveurs. Sous l'influence essentielle du Conseil de l'Europe, ce domaine juridique s'ouvre désormais aux principes supra-législatifs. De nombreuses évolutions se sont accomplies. L’ouverture du recours juridictionnel, le droit à un défenseur pour certaines décisions graves et le droit de présenter des observations orales ou écrites font désormais partie du patrimoine juridique des condamnés. Toutefois, le respect des principes supra-législatifs reste encore insuffisant : les fautes et sanctions sont insuffisamment définies, le principe du droit à un tribunal indépendant et impartial n'est pas pris en considération lors de la procédure devant la commission de discipline, la loi connaît encore un domaine d'intervention insuffisant, y compris dans l'actuel projet de loi pénitentiaire. Plus généralement, les atteintes à l'exercice des droits fondamentaux des détenus ne sont pas définies par rapport au risque de trouble à la sécurité publique qu'ils présenteraient. Ainsi, le droit pénitentiaire appelle encore de nombreux progrès. Seul le plein respect des principes constitutionnels et européens permettra que soit véritablement reconnue la qualité de citoyens aux détenus » S.E.
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*** Rapport spécial de la CNDS ***
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- 8. - Commission nationale de déontologie de la sécurité. Rapport spécial, adopté en séance plénière le 15 décembre 2008, publié au Journal Officiel du 18 janvier 2009. L’Avis et les réponses du garde des Sceaux et du ministre de l’intérieur auquel il fait suite porte le numéro 2006-29, est consultable sur le site de la CNDS : www.cnds.fr
Le 10 avril 2006, M. Gérard BAPT, député de Haute-Garonne, a communiqué à la Commission un courrier de M. P.D. faisant état de violences policières commises en sa présence sur la personne d’un homme menotté et allongé à terre, le 15 mars 2006, à l’entrée du couloir d’embarquement de l’aéroport de Toulouse-Blagnac.
La loi n°2000-494 du 6 juin 2000 portant création de la Commission fixe sa compétence, ses obligations et ses pouvoirs. Après enquête sur les faits et conformément à l’article 7, alinéa 1 de cette loi, la Commission a adressé ses avis et recommandations au ministre de l’Intérieur et au garde des Sceaux, le 8 octobre 2007, en leur demandant, en application du même article, de bien vouloir lui faire connaître la suite donnée à ceux-ci, dans un délai de deux mois. L’intégralité de cet avis, qui porte le n°2006-29, et des réponses qu’il a suscitées, est consultable sur le site web http://www.cnds.fr/.
Après avoir pris connaissance de la réponse du garde des Sceaux, datée du 1er avril 2008 et de celles du ministre de l’Intérieur, en date des 7 janvier et 4 décembre 2008, les membres de la Commission, réunis en séance plénière le 15 décembre 2008, ont estimé que leurs propositions n’avaient pas été suivies d’effet. Ils ont donc décidé qu’un rapport spécial sur cette affaire serait adressé au Journal Officiel pour publication, conformément à l’article 7, alinéa 3, de la loi n°2000-494 du 6 juin 2000.
Tel est l’objet du présent rapport qui, après un bref rappel de la teneur du témoignage de M. P.D. et des constatations de la Commission, reprendra ses recommandations, en soulignant celles qui n’ont pas, à son avis, été effectivement prises en compte.
I. Le témoignage de M. P.D. et les constatations de la Commission
Le 15 mars 2006, alors qu’il se trouve dans le hall 2 de l’aéroport de Toulouse-Blagnac pour prendre un avion à destination de Paris, précisément à 7h17, heure affichée à cet instant par l’horloge, l’attention de M. P.D. est appelée par « des cris intenses exprimant une douleur profonde ». Contournant l’escalier pour observer la scène, il constate la présence d’un « homme à terre, immobile, (…) en souffrance, (…) qui n’oppose aucune résistance ». Dans le même laps de temps, il voit « un policier (…) donner des coups de pied espacés à l’homme au sol », coups qui l’atteignent à l’abdomen. Selon lui, « l’individu ne se défend pas (…). Entravé les mains dans le dos, il n’a pas la possibilité de se protéger ». La scène dure trois minutes, jusqu’à ce qu’un attroupement se forme et que les policiers cessent de frapper. Indigné de voir des agents publics se comporter de cette manière, il en informe le parlementaire sus-désigné pour lui permettre de saisir la Commission.
L’article 5 de la loi n°2000-494 du 6 juin 2000 l’astreignant à « recueillir sur les faits portés à sa connaissance toute information utile », la Commission, après avoir interrogé le témoin, convoque, le 5 décembre 2006, les deux fonctionnaires de police susceptibles d’être mis en cause pour connaître leur version des faits et assurer ainsi le plein respect de la contradiction. Ceux-ci refusent d’être entendus, confortés dans leur position par les propos du directeur départemental de la police aux frontières de Haute-Garonne, qui les assiste. Ils prétendent que les faits soumis à la Commission ont été définitivement jugés, le 19 juillet 2006, lorsque la cour d’appel de Toulouse a condamné le ressortissant turc F.A. pour refus de se soumettre à une mesure d’éloignement et violences à agents de la force publique. Ils lui opposent donc les dispositions de l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, qui interdit à la Commission de remettre en cause le bien-fondé d’une décision juridictionnelle.
Deux jours plus tard, ces mêmes fonctionnaires portent plainte en dénonciation calomnieuse contre M. P.D., cette plainte étant directement transmise au procureur de la République compétent par leur supérieur hiérarchique. M. P.D. maintient son témoignage, par « exigence morale », précise-t-il, et ce malgré les pressions morales dont il fait l’objet, de la part des gendarmes enquêteurs, pour qu’il revienne sur ses déclarations ou les édulcore. Il confirme notamment que, s’il n’a pas vu l’intégralité de la scène, le peu qu’il en a vu l’a « choqué profondément ». A réception de l’enquête, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse lui propose un classement sans suite de la plainte des policiers sous condition de rédaction d’une lettre d’excuses et du versement d’une somme d’argent à chacun des fonctionnaires, proposition qu’il accepte, après réflexion et concertation avec son avocat.
Analysant dans le détail les déclarations du témoin et celles des fonctionnaires de police consignées dans la procédure de refus d’embarquement immédiatement après les faits, la Commission constate que les violences dénoncées par le témoin n’ont pas été soumises à la juridiction correctionnelle parce qu’elles n’ont ni la même localisation géographique, ni le même cadre temporel, ni la même gestuelle que les violences sanctionnées par la cour d’appel : elles sont en effet survenues plusieurs minutes après le refus d’embarquement, dans le hall 2 et non pas, comme l’indiquent les policiers, en bas ou sur la passerelle d’embarquement, à proximité de la porte de l’avion. Elles ont atteint un homme menotté dans le dos et couché à terre, n’opposant aucune résistance, et ne peuvent donc être confondues avec les gestes techniques de maîtrise d’un homme donnant des coups de pieds et griffant les policiers qui sont évoqués par les fonctionnaires dans la procédure initiale.
La Commission observe également que les violences décrites par le témoin sont en tous points compatibles avec les traces de coups constatées au niveau des côtes inférieures gauches et du tiers inférieur de l’avant-bras gauche de F.A., lors des examens cliniques réalisés sur sa personne le jour des faits par le département des urgences de l’hôpital Purpan.
Elle en conclut que, quel que soit le degré de violence dont a fait preuve cet étranger au moment du refus d’embarquement, les coups portés par un représentant de la force publique sur un homme à terre, entravé et immobile, ainsi que la passivité de l’autre policier présent sont contraires aux articles 7 et 10 du Code de déontologie de la police nationale, qui leur enjoignent un respect absolu des personnes appréhendées, placées sous leur responsabilité et leur protection.
II. Les recommandations de la Commission et leurs suites
La Commission a transmis son avis au ministre de l’Intérieur, en vue de l’engagement de poursuites disciplinaires. Elle a également exprimé le souhait que soient fermement rappelés aux fonctionnaires concernés les missions de la Commission, ses obligations légales et ses pouvoirs, ainsi que la prohibition absolue faite aux titulaires de la force légale de tout acte de violence commis sans nécessité sur une personne menottée.
Préoccupée par les conséquences que fait peser, sur son propre fonctionnement comme sur la sincérité des déclarations recueillies, la pression susceptible d’être exercée sur les plaignants ou témoins désirant s’adresser à la Commission par le biais d’une plainte en dénonciation calomnieuse déposée immédiatement après une convocation des fonctionnaires mis en cause et traitée par les parquets sans attendre ses propres conclusions, la Commission a en outre adressé son avis au garde des Sceaux, lui demandant plus précisément, dans une lettre de rappel datée du 29 janvier 2008, d’inviter les parquets à privilégier la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris et à différer les poursuites de ce chef jusqu’à la communication des conclusions de la Commission sur les faits dénoncés.
Dans sa réponse, le ministre de la Justice a estimé que la proposition de traitement unifié et coordonné de ce type de plaintes à Paris n’était pas souhaitable, au motif qu’elles « nécessitent non seulement l’audition de l’ensemble des protagonistes mais également, si nécessaire, des transports sur les lieux ». Il a ajouté que « la qualité de l’enquête dépend étroitement des échanges nourris entre les officiers de police judiciaire et le procureur de la République de leur ressort, naturel directeur d’enquête ».
La Commission réfute les deux arguments, observant que les transports sur les lieux sont exceptionnels, sauf en matière criminelle, et que la qualité principale d’une enquête dépend plus étroitement encore de l’impartialité objective et subjective de ceux qui la mènent, impartialité qu’assure, y compris au niveau des apparences, le traitement à distance des procédures susceptibles de mettre en jeu la responsabilité pénale de fonctionnaires locaux.
Sur le second point, le garde des Sceaux, arguant de la permission de la loi, a refusé de demander aux parquets de différer l’action du ministère public, qui ne « remet nullement en cause le fonctionnement de l’autorité administrative indépendante qu’est la CNDS » et constitue même « une garantie pour la commission (…) de ne pas être saisie pour des raisons fallacieuses ».
La Commission, dont les rapports annuels témoignent, depuis sa création, qu’elle n’a nullement besoin d’une aide extérieure pour départager les réclamations infondées et celles qui ne le sont pas, considère au contraire que, si les dispositions du Code pénal permettent aujourd’hui à l’autorité judiciaire de poursuivre et de sanctionner le délit de dénonciation calomnieuse sans attendre son avis sur la véracité des faits dénoncés, sa proposition, qui n’est pas contraire à la loi, favorise une complète information de l’autorité judiciaire, garantie de bonne justice.
De son côté, le ministre de l’Intérieur a répondu aux recommandations de la Commission en lui indiquant saisir l’Inspection générale de la police nationale pour vérifier, à titre préalable, si les faits dénoncés avaient été « examinés par l’autorité judiciaire » et, dans la négative, pour déterminer « si des suites disciplinaires doivent y être réservées ».
Consulté sur le premier point, le directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice a confirmé en tous points l’analyse de la Commission, les juges du refus d’embarquement n’ayant pas été saisis des faits de violences policières et la médiation proposée par le procureur de la République de Toulouse ne pouvant constituer une décision juridictionnelle.
Sur le second point et après avoir pris connaissance de l’enquête de l’IGPN réalisée à sa demande, le ministre de l’Intérieur a informé la Commission qu’aucun élément ne permettait « d’imputer de faute professionnelle ou déontologique aux policiers mis en cause » qui, « confrontés à la résistance de M. F.A., (…) ont dû user de la force strictement nécessaire pour le maîtriser ».
Tout en maintenant son analyse des faits, solidement adossée au témoignage d’un tiers étranger à la scène décrite et aux constatations médicales, la Commission observe que l’exercice des poursuites disciplinaires relève exclusivement des pouvoirs de l’autorité ministérielle et de sa responsabilité propre.
Elle déplore cependant que sa demande de rappel des principes légaux qui gouvernent ses missions, ses obligations et ses pouvoirs n’ait pas été suivie d’effet et n’ait pas même donné lieu à des observations écrites adressées aux deux fonctionnaires mis en cause et à leur supérieur hiérarchique, alors qu’ils ont tenté, à plusieurs reprises et par différents procédés, de faire obstacle à l’exercice des missions de la Commission et de donner une interprétation fallacieuse des dispositions de la loi portant création de cette autorité administrative indépendante.
La Commission déplore également qu’aucune réponse n’ait été apportée à sa demande de rappel solennel aux agents de la force publique de la prohibition absolue de tout traitement inhumain ou dégradant.
Cette absence délibérée de prise en compte de ses recommandations justifie la publication du présent rapport au Journal Officiel.
Adopté le 15 décembre 2008,
Pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le Président, Roger BEAUVOIS
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*** EN RÉGION ***
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- 9. – CLERMONT-FERRAND. 2 et 3 juillet 2009. 2ème appel à communications. 5ème Colloque international de psycho-criminologie en langue française. Organisé par l’Université Blaise Pascal, Laboratoire de psychologie sociale et cognitive (LAPSCO, UMR CNRS 6024).
Comité d’organisation : Magali Ginet (Clermont 2), Sid Abdellaoui (Paris 8), Nathalie Przygodzki-Lionet (Lille 3), Fanny Verkampt (Clermont 2)
Comité scientifique : Sid Abdellaoui (Paris), Jacques Bergeron (Montréal, Canada), Said Bergheul (Montréal, Canada), Catherine Blatier (Grenoble), Abdel-Halim Boudoukha (Nantes), Pascal Décarpes (Greifswald, Allemagne), Samuel Demarchi (Paris), Rémi Finkelstein (Paris), Nathalie Przygodzki-Lionet (Lille), Jacques Py (Toulouse), Alain Somat (Rennes), Benoît Testé (Rennes), Laurence Thouroude (Rouen), Hubert Van Gijseghem (Montréal, Canada), Alina Zamosteanu (Roumanie).
Après Grenoble (2003), Rouen (2004), Lille (2005) et Paris (2007), c'est Clermont-Ferrand qui accueillera le 5ème Colloque international de psycho-criminologie en langue française. Ce colloque est destiné à valoriser la recherche en psychologie criminelle en offrant un espace d'actualisation des connaissances et de rencontre entre chercheurs (doctorants, post-doctorants et enseignants-chercheurs) et praticiens dans ce champ de recherche en constante évolution. La manifestation couvrira l'ensemble des disciplines psychologiques et tous les types d'approches épistémologiques susceptibles de contribuer au développement des savoirs en criminologie. La rencontre se déroulera sous forme de symposia thématiques, de sessions thématiques composées de communications orales et enfin de posters. Les résumés détaillés des communications paraîtront dans un recueil d’Actes du Colloque transmis aux participants à l'ouverture de la manifestation.
- Extension de la date de remise des propositions de communication orales et affichées au 28 février 2009.
- Les propositions de symposia, communications orales, et posters doivent être envoyées à : ColloquePsychocriminologie2009
Inscriptions :
Tarifs avant le 15 mai 2009 : 42 €
- Titulaires adhérents Association Française de Criminologie (AFC) : 32 €
- Etudiants et demandeurs d'emploi : 22 €
- Etudiants et demandeurs d’emploi adhérents AFC : 15 €
Tarifs après le 15 mai 2009 : 56 €
- Titulaires adhérents à l’AFC : 48 €
- Etudiants et demandeurs d'emploi : 32 €
- Etudiants et demandeurs d’emploi adhérents à l’AFC : 18 €
* Contact : Fanny Verkampt au 06 03 94 32 17 ou fanny.verkampt@etudiant.univ-
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*** ATTENTION, VOUS ENTREZ DANS UN ESPACE « MILITANT » ***
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Avertissement. La rédaction d’ACP ne partage pas nécessairement le positionnement politique des personnes physiques ou morales citées dans ces rubriques « militantes ». Par la diffusion de ces informations, elle souhaite simplement favoriser le débat d’idées dans le champ pénal, au delà des travaux scientifiques que cette lettre hebdomadaire a vocation à faire connaître.
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*** DÉBAT SUR.. la réforme de la procédure pénale ***
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- 10. – Texte de Daniel Soulez Larivière, avocat, paru dans Libération le 14 janvier 2009. Réforme de l’instruction : la chute de l’Ancien régime
L’intention du Président de la République de supprimer le juge d’instruction a suscité un tollé dans les milieux de gauche, les syndicats de magistrats et chez quelques avocats. Ils défendent le lieutenant-criminel créé par François Premier et transformé en juge d’instruction par Napoléon en 1810. Une séquelle de l’Ancien régime qui nous a légué la procédure inquisitoire, elle-même héritière de l’inquisition inventée en 1231 par le pape Grégoire IX. Cet amour torride pour le passé n’est pas bien raisonnable. Aucun pays de mouvance anglo-saxonne, y compris l’Inde, ne connaît de juge d’instruction, sauf un ersatz en Ecosse demeurée catholique. Aucun état scandinave n’en a connu. L’Allemagne l’a supprimé en 1974 et l’Italie en 1990. Son absence ou sa disparition s’y explique parce que la figure du juge ne peut être parasitée par une autre fonction inquisitoire, celle de l’enquête. Aucun homme, disait Marx, ne peut avoir deux âmes dans le même corps : instruire à charge et à décharge. En 1985, Robert Badinter définissait le juge d’instruction comme demi-Maigret, demi-Salomon. En France, nous en qualifions certains de « juges anti-terroristes ». Où en démocratie, a-t-on vu un juge être anti-quelque chose ? Ce n’est donc pas un juge, mais un représentant masqué du Parquet qui, lui, a légitimement en charge la poursuite des infractions et la défense de la société, tout comme jadis il était l’avocat du roi. Au juge, la tâche de juger, au parquet celle de poursuivre et de rechercher les preuves de l’existence des crimes et des délits. « Le juge d’instruction en la forme actuelle ne peut être l’arbitre. Comment lui demander de prendre des mesures coercitives, des mesures touchant à l’intimité de la vie privée, alors qu’il est avant tout guidé par les nécessités de son enquête. Il est donc temps que le juge d’instruction cède la place à un juge de l’instruction qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus ». Cela fait exactement 62 ans depuis le rapport Donnedieu de Vabre, 18 ans depuis le rapport Delmas-Marty, 15 dans Libération sous ma signature, que se tient presque mot pour mot ce propos de Nicolas Sarkozy. Alors parce qu’elle vient d’un président de droite, cette proposition deviendrait scandaleuse ?
Depuis 35 ans, le drame de l’instruction à la française endeuille notre vie nationale : Bruay-en-Artois, les affaires du petit Gregory, des médecins de Poitiers, Roman puis, summum de l’horreur, « Outreau » qui a traumatisé les Français. Sans aucun résultat. Emotion maximum, production politique minimum. Qu’a-t-on inventé de révolutionnaire pour réformer l’instruction après Outreau ? Un gag à la Devos : un deuxième juge d’instruction ! La carriole judiciaire brinqueballe, attelons un autre cheval au premier et la carriole deviendra carrosse. Champions du monde les Français pour les réformes cosmétiques.
Les critiques contre la réforme à venir sont de deux ordres : « sans juge d’instruction avec un parquet qui enquête et un juge qui juge, les pauvres ne seraient pas défendus ». Lieu commun déjà développé en 1897 quand, après 18 ans de combat parlementaire, Clemenceau et Millerand firent entrer l’avocat dans les cabinets d’instruction. Elisabeth Guigou redoute une justice à deux vitesses. C’est d’abord oublier que 95% des affaires sont déjà traitées par le parquet. Cliché français égalitaire usé jusqu’à la corde avec la garde à vue : « si les pauvres y passent, les riches doivent y passer eux aussi ». Bref, notre système est détestable, mais ça va car il l’est pour tout le monde. Si les riches peuvent être mieux défendus dans le nouveau système, pourquoi les pauvres ne le seraient-ils pas ? Rééquilibrer le trio juge-procureur-avocat en renforçant la défense suppose qu’on lui en donne les moyens procéduraux et financiers. Cela implique de professionnaliser la défense des plus démunis. Au lieu de protester les avocats devraient voir les perspectives qui se présentent : un vrai service de défense auquel pourraient se préparer les plus brillants d’entre eux au terme d’un concours tel que l’internat de médecine. Leurs ordres feraient mieux d’investir dans l’aide légale les millions dépensés en publicité niaise. Ce serait faire une véritable communication de fond et non pas de paillettes. Cette réforme ouvre en grand l’avenir des avocats. Soit exactement le contraire de ce qu’on prétend.
Deuxième critique : la réforme ne peut s’accomplir que si, chargé des investigations, le parquet est complètement indépendant. Voilà un bon moyen de ne rien faire du tout car jamais le parquet français ne sera complètement détaché du pouvoir exécutif, voire législatif, pas plus que le parquet anglais ou américain. Dans presque toutes les démocraties, les parquets sont composés de fonctionnaires. Ces pays restent démocratiques. Quant à inventer un procureur indépendant comme aux Etats-Unis avec Kenneth Star, ça a donné l’affaire Clinton. Pragmatique, le congrès a supprimé ce personnage incongru. Le vrai problème, en France, n’est pas de couper le cordon entre les magistrats du parquet et de la chancellerie, mais entre les magistrats du siège et ceux du parquet. L’adage de l’Ancien régime selon lequel « la justice est rendue par les magistrats du siège et du parquet » est faux. Non, dans les démocraties, la justice est rendue par des juges. Chez nous la confusion des carrières et l’unité du corps judiciaire, juges et procureurs, rendent inintelligible le fonctionnement judiciaire. En 1990, le rapport Delmas-Marty a même envisagé qu’un juge puisse dessaisir le parquet d’une enquête s’il se montre défaillant. Certes, aucun juge ne peut s’auto-saisir. Pas plus aujourd’hui ici qu’ailleurs. Mais le juge reste le patron. C’est lui qui décide et s’impose au parquet et à la défense. Faute d’avoir compris le vrai rôle du juge et de prévoir sa consolidation par une prochaine réforme avec la distinction des deux corps, celle qui se prépare sera freinée. Ce n’est pas une raison pour, encore une fois, se dérober à un changement enfin initié par le pouvoir politique. La fin du juge d’instruction n’est pas une mort, mais une renaissance de la procédure pénale dont la mise en œuvre va prendre des années, depuis les débuts confidentiels de l’enquête sous le contrôle du juge, jusqu’au débat à l’audience publique finale, en passant par la mise en examen, la publicité de l’instruction, et le rôle de l’avocat. Autant commencer tout de suite.
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- 11. - Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature. 20 janvier 2009. « Réforme de la procédure pénale: pour une police vraiment judiciaire »
Il y a quelques jours, Le Canard Enchaîné révélait qu’une juge d’instruction en poste à Nanterre se heurtait à l’inaction des enquêteurs chargés de l’exécution de sa commission rogatoire, dans une affaire de malversations présumées au Conseil général des Hauts-de-Seine, à l’époque où Nicolas Sarkozy en était le président. L’information a été confirmée par d’autres organes de presse.
Manifestement, les policiers saisis ne travaillent plus sur ce dossier depuis plusieurs mois et ne répondent pas davantage aux appels téléphoniques, ni aux courriers de ce magistrat, dont l’enquête se trouve par conséquent paralysée!
Outre qu’un tel comportement est parfaitement contraire aux dispositions de l’article R. 2-1 du Code de procédure pénale - selon lesquelles “les officiers de police judiciaire doivent rendre compte de leurs diverses opérations à l’autorité judiciaire dont ils dépendent sans attendre la fin de leur mission” – il rappelle avec acuité l’importance de garantir une véritable direction des enquêtes pénales par les magistrats.
En l’état, les parquets et les juges d’instruction ont théoriquement la maîtrise des investigations dans les dossiers dont ils ont la charge. Cependant, en pratique, ils doivent déléguer la plus grande part de celles-ci à des unités de police et de gendarmerie. Or, ces dernières sont par ailleurs fortement soumises à l’autorité de leur ministère de tutelle… c’est-à-dire au pouvoir exécutif.
Cela a trois conséquences importantes :
• s’agissant des affaires les plus courantes, le travail des policiers et des gendarmes est guidé, souvent contre leur gré, par des logiques politiques d’affichage et de rentabilité qui conduisent parfois à des renversements de priorités (avec une focalisation sur la petite délinquance qui permet de “faire du chiffre”), à des opérations spectaculaires (et médiatisées) mais souvent vaines, à des procédures établies dans la précipitation qui peuvent se révéler “bâclées”, voire à des comportements peu transparents vis à vis de l’autorité judiciaire qui n’est pas suffisamment considérée par les enquêteurs comme leur interlocuteur principal ;
• le contrôle des mesures privatives de liberté, en particulier des gardes à vue, est d’autant moins effectif que le lien hiérarchique n’est pas clairement affirmé entre les magistrats et les enquêteurs ;
• s’agissant des affaires sensibles, telles les enquêtes politico-financières, l’indépendance des juges d’instruction est dangereusement compensée par le contrôle qu’exerce le pouvoir exécutif sur les unités de police judiciaire censées exécuter les commissions rogatoires. Force est de constater que rien n’a évolué depuis que des policiers ont refusé, sur ordre de leur hiérarchie administrative, d’assister le juge Eric Halphen lors d’une perquisition au domicile des époux Tibéri...
A l’heure où il est question de supprimer le juge d’instruction, le Syndicat de la magistrature rappelle que la défense d’une autorité judiciaire indépendante, garante des libertés individuelles et des droits du justiciable, suppose également le rattachement de la police judiciaire aux juridictions. Sans un tel rattachement, l’effectivité, l’efficacité et l’équilibre des enquêtes pénales ne seront jamais réellement garantis.
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*** DÉBAT SUR … la prison ***
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- 12. - PARIS. Mardi 10 février 2009. 18h. « La prison hors les murs. Un bracelet pour tous ? » Colloque organisé par « Droit & Justice »
- 18h. - Projection du film « Prison à domicile », en présence du cinéaste Philippe Morel
- 19h. - Table ronde en présence de Robert Badinter. Avec Patrick Marest, délégué général de l’OIP, Martine Lebrun, magistrate et présidente de l’ANJAP, Martine Herzog-Evans, professeur à l’Université de Reims, Isabelle Bianquis, chef du département insertion et probation à la direction interrégionale de l’administration pénitentiaire.
- Conclusions de Jacques Ribs, président de Droit & Démocratie, conseiller d’Etat honoraire
Lieu : Auditorium du Conseil National des Barreaux , 22 rue de Londres, Paris 9ème
* Contact : s.bonifassi@lebray.fr, Tél. 01 44 90 17 10 ou Fax : 01 44 90 17 30
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- 13. – BEAUVAIS. 26 janvier à 20h30. « Projection du film A Côté de Stéphane Mercurio Cette projection sera ensuite enrichie d'un débat, et devra permettre à cette soirée de proposer un angle tout à fait précis quant au milieu carcéral. Cette séance fait partie des Saisons du cinéma, événement que nous organisons quatre fois dans l'année en partenariat avec les salles de cinéma de l'Oise. La Saison Hiver 2009 qui se déroule du 23 janvier au 3 février a pour thème « La Famille. » Il nous a semblé pertinent de consacrer au film de Stéphane Mercurio et au milieu carcéral une soirée spéciale
- Lieu : au cinéma Agnès Varda de Beauvais (60).
* Contact : Thomas Cauchon, Chargé de mission Les Saisons du cinéma, ACAP - Pôle Image Picardie , 19 rue des Augustins - B.P. 322, 80003 AMIENS cedex, Tél. 03 22 72 68 30 - 06 11 81 58 45, Fax 03 22 72 68 26
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- 14. - Communiqué de Marie-Pierre de la Gontrie, Secrétaire nationale du Parti Socialiste chargée des Libertés Publiques et de la Justice. « La situation dans les prisons ».
« La série de suicides intervenus depuis le début de l’année parmi la population carcérale interpelle de nouveau violemment sur les conditions humanitaires inqualifiables des prisons françaises. Face à cette situation qui a déjà provoqué par le passé plusieurs condamnations de la France par le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme, l’inertie de la Garde des Sceaux ne doit plus durer. Cette situation alarmante appelle une intervention rapide et des changements radicaux dans la politique pénale et pénitentiaire de la France.
Après une augmentation de 20% du nombre de suicides dans les prisons en 2008, (2 fois plus fréquents qu’en Allemagne et en Angleterre et 3 fois plus qu’en Espagne), cette série dramatique (13 depuis le 1er janvier) confirme de façon sinistre la souffrance psychologique massive parmi les détenus des prisons françaises.
Le Parti socialiste dénonce :
- l’inadéquation totale du suivi des délinquants nécessitant une prise en charge psychiatrique, en milieu carcéral d’abord, mais aussi hors des prisons. C’est en effet la question de la prise en charge globale des grandes pathologies et des comportements violents qui est posée, à la fois en terme de prévention, d’accompagnement et de soins.
- les conséquences de la politique pénale qui conduit à une surpopulation sans précédent des prisons françaises. L’instauration des peines plancher et la systématisation de l’incarcération comme réponse pénale unique aux actes de délinquance, sans amélioration des conditions carcérales et sans réflexion sur les peines alternatives, ne pouvait en effet que conduire à une situation intenable.
La politique gouvernementale continue depuis 2002 sur ce sujet porte une lourde responsabilité dans cette situation. Le projet de loi pénitentiaire devra apporter les réponses à cette situation. »
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*** FROM CENTRE FOR PRISON STUDIES, LONDON ***
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- 15. – Information from Helen Fair, Research Associate, International Centre for Prison Studies, School of Law King's College London.
Burglars who steal personal mementoes must get longer sentences, top judge says
http://www.timesonline.co.uk/
Think Tank: the fraud taking our freedoms
http://www.timesonline.co.uk/
Most foreign convicts are still in the UK
http://www.timesonline.co.uk/
Warders offered 51% pay ‘bribe’
http://www.timesonline.co.uk/
PC prison rules are 'pure mental' (Scotland)
http://www.timesonline.co.uk/
Special prison for repatriated convicts? (Nigeria)
Prison conditions worsen further in Uzbekistan
http://muslimuzbekistan.net/
Strike threat as Prisons reels under Sh7bn debt (Tanzania)
http://thecitizen.co.tz/newe.
Debate resumes over Coltishall prison
Terrorists face open-ended jail terms
Scots possessing 'extreme' pornography to face jail
Prison radio to cost taxpayers £2million
Coroners and justice: new year, newish Bill
http://business.timesonline.
Lack of education for prisoners serving longer sentences
http://www.guardian.co.uk/
Sierra Leone: Kenema State Prison in Bad Shape
http://allafrica.com/stories/
Packed jails now too full to hold prisoners
Prisoner starves himself to death at Stafford jail
Minister of Justice resigns (Poland)
http://www.polskieradio.pl/
Bandyup Prison 'fails women' (Western Australia)
http://www.watoday.com.au/wa-
Gabon jail protest turns 'deadly'
http://news.bbc.co.uk/1/hi/
Can vitamins improve prisoners' behaviour?
http://www.lep.co.uk/
13,000 released from prisons in five months (India)
http://www.expressindia.com/
Chair of custody inquiry should stand down rules judge
http://www.cypnow.co.uk/
Ex-offenders should be our secret weapon, not outcasts
http://www.guardian.co.uk/
Government's legislative hyper-activity must be stopped
Government to Tackle Overcrowding in Prisons (Indonesia)
http://www.thejakartaglobe.
Finland Cautioned About Prison Conditions
http://www.yle.fi/uutiset/
Council of Europe anti-torture Committee publishes report on Kosovo
http://www.isria.info/en/
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* Arpenter le Champ Pénal. Directeur de la publication : Pierre V. Tournier, directeur de recherches au CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne). pierre-victor.tournier@