ACP N°143-144
Arpenter le Champ Pénal
Approche indisciplinaire
______________________________
PARIS. Mardi 16 juin 2009, 17h15. Séminaire de recherche « Enfermements, Justice et Libertés dans les sociétés contemporaines », de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
* 17h15. « Faut-il réformer l’instruction judiciaire ? » par Catherine Giudicelli, magistrat chargée de l’instruction au TGI de Paris, présidente de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI).
* 18h30. « Le système de traitement des infractions constatées (STIC) : un système mis en cause de l’intérieur » par Frédéric Ocqueteau, directeur de recherches au CNRS et Maître William Bourdon avocat de Philippe Pichon (sous réserve).
* Lieu : CHS XXe siècle, 9, rue Malher, Paris 4ème, 6ème étage (métro Saint Paul). Entrée libre. [voir infra]
______________________________Attendez-vous à trouver …
Les comptes du lundi. Rappel de quelques concepts de démographie carcérale… et de
quelques faits établis (1)
Le kiosque (2)
Tribune libre : A propos du projet de réforme de la Cour d’assises, par Alain Blanc (3)
Le dernier avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté (4)
Enfermements, Justice et Libertés dans les sociétés contemporaines (5-6)
Les villes à l'épreuve des violences collectives (7)
Les archives de Maître Jean-Jacques de Félice (8)
Courriels des lecteurs (9)
Formation (10)
Désinformation (11)
International (12-13)
26 pages *** LES COMPTES DU LUNDI ***
- 1. - Rappel de quelques concepts de démographie carcérale… et de quelques faits établis.
Dans un article paru dans le quotidien La Croix, daté du 3 juin 2090, intitulé « Les prisons de l’Europe sont surpeuplées », on lit ceci : « D’après le Conseil de l’Europe, 18 pays ont vu leur population carcérale grimper fortement entre 2000 et 2007 parmi lesquels la France (+24,7%), la Grande-Bretagne (+ 18,9 %), l’Espagne (+ 29 %), les Pays-Bas (+25,6 %). Trois éléments expliquent l’augmentation de la densité carcérale : la banalisation de la détention provisoire, le durcissement de l’arsenal législatif contre les récidivistes et surtout la hausse des peines prononcées. A l’inverse, neuf Etats, dont l’Italie, et dans une moindre mesure l’Allemagne, se distinguent avec une diminution de leur population carcérale entre 2000 et 2007 ».
* Remarque 1. La source
La Croix cite « Le Conseil de l’Europe », voire plus loin, dans l’article « le Conseil pour la prévention de la torture ». Il s’agit précisément de la « Statistique pénale annuelle du Conseil de l’Europe » (SPACE), créée en 1983, placée sous la responsabilité du Comité de coopération pénologique. La dernière production a été rendue publique récemment et annoncée dans ACP. Elle se réfère à la situation des prisons au 1er septembre 2007 et aux données de flux de l’année 2006. Le comité – et non « conseil » - européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (CPT) n’a pas de responsabilité en matière statistique, même s’il peut se référer, dans telle ou telle circonstance aux données de SPACE.
* Remarque 2. Précisions sur les chiffres cités
2.1 - Les taux de croissance indiqués entre parenthèses ne sont pas ceux de la population carcérale, mais ceux du taux de détention pour 100 000 habitants. Pour la France, les taux indiqués dans SPACE sont les suivants : 80,1 p. 100 000 au 1er septembre 2000, contre 99,9 p. 100 000 au 1er septembre 2007, soit une augmentation de 24,7 %.
2.2 - Faut-il rappeler que le Royaume-Uni est constitué de la Grande-Bretagne et de l’Irlande du Nord, la Grande-Bretagne étant elle-même constituée de l’Angleterre, du Pays de Galles et de l’Ecosse. Le taux de croissance de 18,9 % ne concerne que l’Angleterre et le Pays de Galles, faute de données disponibles en 2000 et/ou 2007 pour l’Ecosse et l’Irlande du Nord.
2.3 - 7 Etats ont vu leur taux de détention diminuer dont l’Italie (- 15,4 %) et la Suisse (-15,2 %). Pour l’Allemagne, nous n’avons pas les données en 2000. Mais son taux de détention de 2001 à 2007 est remarquablement stable (95 - 96 p. 100 000). La comparaison 2000-2007 n’est pas non plus possible pour 21 autres Etats, faute de données disponibles.
2.4 - Le taux de détention peut recouvrir des réalités différentes, en terme de définition, d’un pays à l’autre, voire d’une date à l’autre. Pour la France, les taux de détention sont calculés, dans SPACE, sur la base des chiffres suivants : 48 835 pour 2 000 et 63 500 pour 2007. 63 500, c’est en fait le nombre de personnes sous écrou au 1er octobre (et non au 1er septembre !), dont 2 437 ne sont pas, en réalité, détenus (2 071 condamnés sous surveillance électronique et 366 condamnés en placement à l’extérieur sans hébergement. 48 835 c’est le nombre de personnes sous écrou au 1er octobre 2000. A cette date, le placement sous surveillance électronique n’a pas encore été mis place. On peut estimer à 200 les placements à l’extérieur sans hébergement pénitentiaire. Si on se limite aux personnes détenues, cela donne un taux corrigé de 79,8 p. 100 000 en 2 000 et de 95,5 pour 2007, soit un taux de croissance de 20 % au lieu du 25 % indiqué dans SPACE.
* Remarque 3. Inflation carcérale et surpeuplement des établissements pénitentiaires
3.1 Parler d’inflation carcérale, c’est constater que l’augmentation du nombre de détenus est « très importante », c’est-à-dire sans commune mesure avec l’augmentation du nombre d’habitants, et ce, sans référence aux questions de capacité des établissements pénitentiaires. Ainsi le concept d’inflation carcérale qui d’ailleurs n’a de sens qu’en référence à un intervalle de temps suffisamment long pour que les évolutions ne soient pas simplement conjoncturelles, est à distinguer du concept de surpopulation carcérale qui, lui, se réfère à la situation à une date t donnée.
3.2 L’expression de surpopulation a, dans le langage courant, deux sens assez différents : a. un sens général « il y a trop de détenus » - sans que l’on précise sur quels critères on se base pour affirmer ce diagnostic -, b. un sens plus précis qui se réfère à la capacité des établissements pénitentiaires. Dans ce second sens, il décrit l’inadéquation, à un instant t donné, entre le nombre de détenus et la capacité « d’accueil » dans les établissements pénitentiaires. La surpopulation est alors évaluée par la densité carcérale. Il est important de distinguer surpopulation carcérale et inflation. Ainsi par exemple, on peut imaginer une accentuation de la surpopulation avec un nombre de détenus constant (donc pas d’inflation) : fermetures d’établissements vétustes, reconversion de cellules en ateliers, etc. Certes, il existe généralement des liens entre surpopulation et inflation carcérale, mais rien n’est simple. L’inflation accentue le problème de la sur-occupation des lieux de détention, faute de constructions suffisantes. Mais la sur-occupation diminue-t-elle l’inflation, en mobilisant les pouvoirs publics dans le sens d’une diminution du recours à la prison ? La sous-occupation - obtenue par une politique de développement inconsidéré du parc pénitentiaire - favoriserait-elle l’inflation ? On sort ici des certitudes pour laisser place, compte tenu du manque de travaux en la matière à de pures hypothèses. Toujours est-il que distinguer les deux concepts permet au moins de poser les problèmes de leur lien.
3.3 Contrairement à ce que l’on pourrait penser en lisant l’article de La Croix, la dernière production de SPACE ne permet pas de suivre l’évolution des densités de 2000 à 2007 et donc de la surpopulation. Dans le phrase « Trois éléments expliquent l’augmentation de la densité carcéral […] », il faut donc remplacer « densité » par « population ».
* Remarque 4. Les raisons de l’inflation. « Banalisation de la détention provisoire, durcissement de l’arsenal législatif contre les récidivistes et surtout hausse des peines prononcées » comme l’affirme le journaliste de La Croix ? Là encore les données présentées dans SPACE ne permettent pas d’affirmer ou d’infirmer de telles analyses concernant la situation générale en Europe. Alors est-il question de l’évolution observée en France ? Cette analyse est-elle pertinente pour notre pays ? partielle ? partiale ?
Eléments de réponse …
4.1 - Un nombre de prévenus en forte baisse depuis plusieurs années
Champ : France entière
Population sous écrou au 1er janvier | |||||
2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | |
Ensemble | 59 197 | 59 522 | 60 403 | 64 003 | 66 178 |
Prévenus | 20 134 | 19 732 | 18 483 | 16 797 | 15 938 |
Condamnés (1) | 39 063 | 39 790 | 41 920 | 47 206 | 50 240 |
% Prévenus | 34 % | 33 % | 31 % | 26 % | 24 % |
- y compris « contraintes judiciaires» : 22 en 2005, 2 en 2009.
ACP
4.2 - Croissance considérable du nombre de condamnés exécutant une courte peine
Champ : France entière
Condamnés sous écrou au 1er janvier | |||||
2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | |
Ensemble (1) | 39 063 | 39 790 | 41 920 | 47 206 | 50 240 |
Moins d’un an | 11 526 | 12 152 | 15 115 | 17 376 | 17 420 |
Moins de 6 mois | 5 088 | 5 476 | 7 720 | 8 772 | 9 086 |
6 mois à moins d’un an | 6 438 | 6 676 | 7 395 | 8 604 | 8 334 |
1 an – 5 ans | 13 498 | 13 296 | 12 740 | 15 669 | 18 818 |
5 ans et plus | 14 039 | 14 342 | 14 065 | 14 161 | 14 002 |
5 ans et plus cor. (2) | 5 817 | 6 123 | 5 915 | 5 888 | 5 696 |
5 -10 ans crim. (3) | 203 | 189 | 275 | 217 | 227 |
10 - 20 ans | 6 097 | 6 066 | 5 861 | 5 954 | 5 900 |
20 - 30 ans | 1 384 | 1 441 | 1 461 | 1 579 | 1 653 |
Perpétuité | 538 | 523 | 523 | 523 | 526 |
Proportions de longues Peines (4) | 36 % | 36 % | 34 % | 30 % | 28 % |
(1) « contraintes judiciaires» comptées dans les « moins d’un an
(2) Peines correctionnelles
(3) Réclusion criminelle (ancien code pénal)
(4) au sens du Conseil de l’Europe (5 ans et plus).
4.3 - Jusqu’à une date récente, une inflation liée à l’accroissement des entrées en détention et non des durées de détention -stables.
Champ : France entière
Flux d’entrée en détention, stocks sous écrou et durées de détention | ||||||||
2001 | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | |
Entrées annuelles (E) | 67 308 | 81 533 | 81 905 | 84 710 | 85 540 | 86 594 | 90 270 | 89 054 |
Population moyenne (P) (1) | 48 312 | 53 510 | 58 574 | 60 905 | 59 791 | 59 938 | 63 268 | 66 716 |
Durée moyenne sous écrou en mois (2) | 8,6 | 7,9 | 8,6 | 8,6 | 8,4 | 8,3 | 8,4 | 9,0 |
(1) Moyenne sur les effectifs au 1er jour de chaque mois
(2) Cet indicateur du temps moyen passé sous écrou (d) est calculé à partir de la formule P = E x d (où P est l’effectif moyen au cours de l’année et E le nombre de mises sous écrou dans l’année, formule qui repose sur l’hypothèse de stationnarité (mises sous écrou annuelles constantes, calendriers des sorties identiques pour toutes les cohortes d’écroués).
* Remarque 5. Pour compléter ces premières indications, dans une prochaine livraison d’ACP, nous remonterons le processus pénal en examinant l’évolution des peines prononcées et celle du nombre de personnes mises en cause par la police et la gendarmerie (en particulier pour faits de violence). L’évolution de la population carcérale est, en effet, tributaire.
- des choix du législateur,
- du fonctionnement de l’institution judiciaire,
- mais aussi de l’activité policière,
- sans oublier les auteurs de délits et de crimes dont, faut-il le rappeler, l’activité plus ou moins intense a quelques conséquences sur l’inflation –ou la déflation- carcérale.
A suivre…Pierre V. Tournier
*** LE KIOSQUE ***
- 2. - Revues
Axel Dessecker, « Dangerosité, longues peines de prison et mesures préventives en Allemagne », Champ Pénal / Penal Field, Nouvelle Revue française de crriminologie / New French Journal of Criminology, http://champpenal.revues.org
* Bulletins
Guy Casadamont, « Placement sous surveillance électronique, propos croisés, (in) certitudes, constats », Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques, Direction de l’administration pénitentiaire, mai 2009, n°30, 6 pages.
Cyril Rizk, « Faits élucidés et personnes mises en cause en 2008 », Grand angle, n°16, Bulletin statistique de l’Observatoire national de la délinquance mai 2009, 16 pages.
Hors champ sur les statistiques sur les gardes à vue extraites de l’état 401.
Zoom sur les données détaillées sur les faits constatés, les faits élucidés et les personnes mises en cause en 2008 par index d’infraction.
*** TRIBUNE LIBRE ***
- 3. – A propos du projet de réforme de la Cour d’assises
par Alain Blanc
Magistrat, président de chambre à la Cour d’appel de Douai, Alain Blanc a été président de Cour d’Assises à Paris pendant huit ans ; Il préside l’Association française de criminologie (AFC).
Les réformes de la procédure pénale se succèdent à un rythme d’autant plus accéléré qu’elles sont jusqu’à présent limitées à des annonces qui, nécessairement, privilégient l’effet de surprise par rapport à l’analyse de fond.
Très mobilisée sur les questions pénitentiaires ces derniers temps, l’Association Française de Criminologie aurait tort de délaisser le sujet de la procédure pénale. Les grands équilibres en ce domaine ont une incidence sur la qualité et les effets des réponses apportées aux crimes. Ils ne concernent pas que les policiers, les magistrats, les avocats et les universitaires. Ils traduisent l’état d’une société à travers les principes qu’elle entend privilégier pour organiser la mise en œuvre des règles posées pour sanctionner les actes criminels.
Les fuites organisées dans la presse sur quelques orientations de la commission Léger concernant la réforme de la procédure pénale de jugement des crimes sont trop imprécises et incomplètes pour en faire une véritable analyse. Tout au plus peut-on tenter de repérer à travers ces annonces les éventuelles lignes de force susceptibles de caractériser les réformes annoncées. A cette fin, il ne sera pas inutile de rappeler le contexte dans lequel ces réformes sont proposées, et de tenter d’en identifier le sens et les effets qui, jusqu’à présent, demeurent quelque peu confus. Il conviendra d’être d’autant plus prudent que la méthode de travail et de concertation de la commission Léger est inconnue en l’état. Il ne saurait donc être question à ce stade d’engager un débat de fond sur des mesures aussi disparates, aux enjeux souvent contradictoires, et dont la plupart des termes font référence à des concepts aussi complexes que porteurs de sens qui varient selon le dispositif général dans lequel ils sont intégrés: aveu, preuve, débat contradictoire, égalité des armes, présomption d’innocence, recherche de la vérité, intime conviction, souveraineté du jury, motivation des arrêts, ordre public…
Tout au plus peut-on lister les mesures envisagées telles que la presse s’en est fait l’écho et repérer le sens et la portée de chacune d’elle, les liens entre elles et le contexte dans lequel elles apparaissent.
1. - Ont donc été annoncées comme envisagées…
1.1 - Concernant la procédure de traitement applicable aux crimes : la procédure de comparution avec reconnaissance de culpabilité, abusivement assimilée au « plaider coupable » de la procédure américaine et introduite par la loi du 9 mars 2004 pour les délits serait élargie aux crimes : ce serait évidement un bouleversement majeur, posant des problèmes de tous ordres et qui remettrait en question toute notre histoire et notre culture judiciaire. Pour des raisons de nature diverses.
La CRPC de la loi de 2004 est maintenant installée dans les palais de justice en France où elle tient une part encore marginale mais sans cesse croissante (1). Contrairement à une opinion répandue, ce dispositif présente, indiscutablement, des avantages multiples (2) et ne nuit pas nécessairement à la qualité de la justice rendue. Simplement, et cela mériterait d’être approfondi par des études et même des recherches, cette procédure, limitée aux délits les moins graves, repose sur des équilibres manifestement très différents de ce qui parait envisagé pour les crimes :
D'abord, les délits concernés sont dans la plupart des cas des délits particuliers, concernant le plus souvent la délinquance routière, pour laquelle les peines « négociées » sont rarement des peines d’emprisonnement, et pour la plupart sans parties civiles ; elle est donc cantonné à un contentieux à la fois simple, et pour lesquelles les peines, contrairement à ce qui est soutenu parfois (3) n’ont rien à voir avec celles prévues pour les crimes ;
Ensuite, dans la pratique des juridictions depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2004, c’est un échange entre les magistrats du Parquet et ceux du siège qui aboutit à délimiter le périmètre dans lequel la CRPC pourra être mise en œuvre : c’est à partir de la jurisprudence des juges de siège que le parquet « cale » le domaine dans lequel il sait que ses propositions seront dans la plupart des cas homologuées par le président ou son représentant du siège.
Les propositions annoncées font état d’une différenciation entre les crimes : la « CRPC criminelle » serait réservée aux crimes « banals », les crimes les plus odieux ou dont les victimes sont des enfants en seraient exclus. Cette hiérarchisation parait bien hasardeuse, au-delà de ce qu’elle peut révéler du souci d’éviter une « négociation » qui choquerait l’opinion sur des faits « odieux ».
Le dispositif envisagé n’est pas clair en l’état sur le rôle réservé à l’audience publique. On croit comprendre qu’elle aurait lieu dans le cas où l’accusé refuserait la peine proposée par le Parquet. Mais il a été indiqué que si l’accusé avouait, la cour et le jury n’auraient qu’à se pencher sur la personnalité pour déterminer la peine. Comment imaginer que le débat sur la peine puisse dispenser d’examiner les faits en eux-mêmes, la manière dont l’accusé en rend compte, les circonstances et le contexte dans lequel ils ont été commis, sans parler du mobile exigeant pour être cerné et discuter d’entendre les témoins, les enquêteurs et les experts ? De fait, dans la procédure actuelle, la reconnaissance des faits par l’accusé raccourcit le plus souvent les débats, mais ne dispense en aucun cas d’examiner les faits.
De même le partage annoncé entre faits « avoués » et « non avoués » pour choisir la structure et la forme du procès est tout à fait étonnante: sans insister ici sur les risques d’erreur judiciaires générés par les aveux d’innocents, on voit mal comment la cour et les jurés, toujours chargés de prononcer la peine, pourraient être cantonnés à un débat « fermé » devant eux sur le seul prononcé de la peine.
Quant à la procédure américaine à laquelle il est fait abusivement référence pour cette « CRPC criminelle », elle repose sur une philosophie de la procédure pénale qui n’a rien à voir avec la nôtre. Elle est fondée, pour faire court, sur l’affrontement entre l’accusation et la défense plus que sur la recherche de la vérité par le juge. Et la négociation du « plea bargaining » a pour seule fonction de permettre à l’accusé d’éviter le passage devant le jury pour un débat sur la culpabilité et de passer directement à la juridiction composée de juges professionnels seuls habilités à prononcer la peine. Ajoutons que plus de 90% des condamnations prononcées aux USA, le sont via la reconnaissance de culpabilité (4) et que toutes les infractions, quelque soit leur gravité, sont susceptibles de donner lieu à cette procédure.
Au-delà des débats sur les mérites respectifs de la procédure accusatoire et inquisitoire, on voit bien le séisme que représenterait le passage brutal de notre système de procédure français, qui a une longue histoire, vers un dispositif aussi étranger à notre culture.
Enfin, mais c'est un débat qu'il conviendra d'approfondir au vu du texte qui sera proposé, il est permis de s'interroger sur la place et le bénéfice que la victime-partie civile trouvera dans ce dispositif négocié entre Ministère Public et défense.
1.2 - Concernant le déroulement de l’audience :
1.2.1 - Le président serait un « arbitre » des débats, les questions posées aux parties (accusé, partie civile) ou aux témoins ne seraient posées que par l’avocat général, la défense de l’accusé et celle de la partie civile. Le président serait donc cantonné à un rôle d'arbitre de la procédure, illustré par les feuilletons américains et la formule « objection votre honneur » devenue si familière aux français grâce aux feuilletons télévisés américains. Il semble envisagé, pour aller jusqu'au bout de cette option, que le président de l'audience n’ait pas à connaître le fond du dossier, afin de mieux se consacrer au seul examen de la régularité de la procédure.
C’est sans doute l'un des points les plus difficiles à apprécier en l'état des informations diffusées. L'idée d'arbitre est aussi séduisante que le souci d'écarter le dit arbitre du fond du dossier est problématique. Se télescopent ici les grandes questions de fond sur la place du juge, son statut, sa fonction. Surtout après les débats en cours sur la suppression du juge d’instruction, sur la quelle nous reviendrons. Dans notre système hérité de la procédure inquisitoire, le juge a pour mission, dévolue par le code de procédure pénale (1), tant à l'instruction qu'à l'audience, de rechercher la vérité. Et cette fonction du juge est indissociable du régime de la preuve qui en France est fondée non pas sur un système de preuve légale, mais sur l’intime conviction. Si tel ne devait plus être le cas, c'est évidement une conception toute autre du juge, des droits des parties et donc toute une philosophie et une structure institutionnelle construite au fil des siècles qui serait remise en cause. D'où la nécessité d'en savoir plus avant d'aller plus loin.
La conception actuelle du juge pénal en France n'est donc pas celle de l'arbitre d'un conflit opposant les représentants de la thèse de l'accusation d'une part et celui de la défense, d'autre part. Le juge français n'a pas pour mission de distribuer des « cartons » à chaque manquement au bon déroulement de la procédure. Il organise le débat en veillant au respect de la procédure, dans le but de faire en sorte, avec la cour et le jury aux assises, que la vérité apparaisse; vérité qui peut donc n'être ni celle de la partie civile, ni celle de la défense, ni celle de l'accusation. Ni celle sur laquelle plusieurs, voire toutes les parties, se seraient « entendus ». Ce que traduit la formule selon laquelle le jury est souverain. C'est donc aussi cette conception du rôle du juge qui est remise en question par la combinaison d'une « CRPC criminelle » et du « juge réduit à sa fonction d'arbitre de la procédure ». Ce qui renvoie bien à des questions fondamentales sur l'organisation de notre démocratie et la place et le rôle que le juge et les citoyens qui sont associés à sa mission assument par rapport à la manière de répondre aux violations de la loi pénale.
1.2.2 - la partie civile pourrait récuser un ou plusieurs jurés : il s'agit là d'une revendication de certaines associations de victimes. Qui traduit explicitement le souci de se démarquer du représentant de la société qu'est l'avocat général, qui, jusqu'à présent a en charge le souci de récuser tel juré qui pourrait apparaître comme susceptible d'être trop « proche » de la défense.
En l'état de notre procédure, les seules données connues des parties sur les jurés, indépendamment de ce que leur apparence physique est susceptible de révéler sur leur sexe, leur âge, ou leur culture, portent sur la profession et l'âge de chacun d'eux.
Ce projet mérite d'être réfléchi au regard des autres dispositions élargissant les droits des parties civiles et de la forme d’isolement de la partie civile vers laquelle cette évolution conduit.
1.3 - Concernant les modalités de prise de décision de la cour d’assises : on arrive là sur des perspectives apparemment plus techniques mais dont les enjeux sont essentiels.
1.3.1 - la question de la présence du président au délibéré serait en débat. A suivre donc. Ce qui n'empêche ni de revoir « Douze hommes en colère » qui reste un des plus beaux films sur la démocratie américaine naissante, ni de relire les « Souvenirs de la cour d'assises » (Folio) d'André Gide, ni de consulter l'ouvrage de référence sur l'histoire de la cour d'assises (6) pour comprendre à quel point ces équilibres entre juges professionnels, et jury populaire sont liés à l’histoire de notre république.
1.3.2 - le jury pourrait avoir accès au dossier pendant le délibéré : là, sous bénéfice de précisions et d'explications à venir, c'est la remise en cause d'un principe fondamental de la procédure devant la cour d'assises qui exploserait: celui de l'oralité des débats. Au delà du reproche fait par les tenants de la procédure écrite, qui à leurs yeux serait plus sûre (« les écrits restent les paroles s'envolent ») et des questions anthropologiques soulevées par cette question à propos de la qualité de la preuve de nature à fonder une décision de justice, l'oralité aux assises a une vertu propre: elle est le corollaire du caractère contradictoire du débat: une déposition orale, ou la lecture d'une pièce écrite du dossier à l'audience se fait sous le contrôle de toutes les parties. Il ne pourrait évidement en être de même dans le déroulement du délibéré, où toutes les interprétations pourraient être faites hors contrôle des parties. Si une telle option était retenue, ce serait toute la conception de l'audience en amont, voire même de la procédure d'instruction qu'il faudrait repenser.
1.3.3 - l’arrêt - le verdict- serait motivé : il s'agit là de la réforme la plus attendue: elle faisait partie du programme de l'UDF pour les élections présidentielles (voir infra) et fait partie des débats permanents autour de la réforme de la cour d'assises depuis des décennies. Les principes posés par les règles européennes en matière de procédure pénale et de droit des personnes conduisent naturellement à aller dans ce sens. Ce qui exige de lever les obstacles « techniques » qui jusqu'à présent ont conduit à préserver le statu quo. Mais il ne faut pas se leurrer, quelle que soit la majorité à laquelle la décision a été obtenue sur la culpabilité (7), la motivation de la décision engage autant la juridiction que le dispositif lui-même. En l'état le verdict, c'est à dire le dispositif, résulte mécaniquement du décompte des réponses aux questions auxquelles chaque juré et membre de la cour a répondu dans le secret de son vote. Il faudra maintenant trouver une formule pour la rédaction des motifs de la décision, qui peuvent faire l'objet de divergences entre les magistrats professionnels comme entre les jurés : la délégation aux trois magistrats professionnels paraît a priori la seule voie praticable, sous bénéfice d'inventaire du droit comparé en la matière.
Une fois la solution « technique » trouvée, la motivation des arrêts constituera à la fois un progrès et une rupture: elle traduira une sorte de « laïcisation » de la décision d'assises en même temps qu'elle lui confèrera une plus grande légitimité: au lieu que celle-ci résulte du seul fait que la cour et le jury sont « souverains », elle trouverait là des fondements de droit faisant appel à la raison qui auraient par ailleurs l'avantage d'éclairer les parties et le public sur son sens et sa portée.
Sans se dissimuler les difficultés liées à la rédaction des motifs des décisions prises à une courte majorité et sur des faits complexes, cette perspective pourrait aussi conduire à réévaluer les modalités des recours contre les arrêts d'assises: si motivation il y a, un contrôle de celle-ci devient possible.
Dernière remarque à ce sujet, dont il est à craindre qu'elle ne soit pas placée au centre des débats tant, déjà en correctionnelle, le débat est pauvre à ce sujet : la question de la motivation sur la peine.
1.4 - Concernant les recours contre la décision : la partie civile aurait le droit de faire seule appel au pénal : on est là aussi dans le mouvement tendant à conférer plus de droits aux victimes; si, comme cela semble être envisagé, le seul appel de la partie civile d'une décision d'acquittement ( mais alors pourquoi pas, dans cette même logique, sur la peine?) suffit à remettre en jeu l'action publique, on se trouverait dans un dispositif tout à fait préoccupant de « privatisation » de l'action publique.
Il faut tout de même redire ici que dans la pratique des textes et du fonctionnement actuel, le ministère public prend en compte, quand il examine la pertinence de faire appel d'une décision d'assises, les intérêts de la partie civile. Si cette réforme était introduite, on ferait donc un pas de plus vers l'isolement de la partie civile. Cette dernière a-t-elle plus à y gagner qu'à y perdre, dans les faits et aussi, sinon surtout, sur la symbolique des places dans le processus pénal ?
2. - Quelles sont les lignes de force qui se dégagent de ces projets de réformes ?
2.1 - De leur contenu intrinsèque ressortent quelques orientations plus ou moins explicites
2.1.1 - le renforcement des pouvoirs du Parquet : cette évolution est patente et préoccupante: voir à ce sujet les analyses fondamentales de Mme le professeur Mireille Delmas-Marty dans le rapport de la commission qu'elle présidait en 1990 (8) et son intervention récente devant l'Académie des sciences morales et politiques (9).
En ce sens, cette réforme de la cour d'assises ne peut être appréciée indépendamment de ce qui a déjà été annoncé par la commission Léger ou par le président de la République: la suppression du juge d’instruction au profit du parquet dans le cadre d'une extension croissante des pouvoirs de ce dernier aux dépens du juge du siège indépendant. Et sans insister ici sur l'hypothèque levée par l'arrêt Medvedyev (10) - contre lequel la France a fait appel - qui stipule que le parquet français n'est pas une autorité judiciaire au sens de la cour européenne des droits de l'Homme.
Que penser d’un système combinant l’instruction faite sur le fond par le parquet avec un contrôle purement formel du siège, suivie d'une procédure de jugement dans laquelle le juge serait également cantonné à un contrôle des formes ?
2.1.2 - l’élargissement des droits des parties civiles : On a vu les novations annoncées, l'une sur le droit de récusation des jurés, l'autre sur l'appel de l'action publique. Ces propositions se situent dans le cadre de l'orientation retenue dans le programme du candidat Sarkozy aux élections présidentielles que nous rappellerons ensuite. Elles sont intrinsèquement contestables, car elles se situent non pas comme répondant au souci d'équilibrage des droit des parties dans le cours du procès pénal, mais dans un mouvement plus large et délibérément populiste: on est ainsi en droit de se demander si, à force de démagogie pro-victimaire, on ne démantèle pas l’institution dans ses équilibres internes en affaiblissant, finalement, ce qu’on voulait renforcer : c'est ainsi qu’au lieu de re-légitimer le parquet via un accroissement de son rôle aux côtés des victimes en tant que garant de l’application de la loi et des décisions de justice, on a offert sur un plateau aux associations de victimes les plus vindicatives un juge de papier mâché, qualifié qui plus est de juge des victimes. Et ce n'est pas le rapport de l'Inspection des Services Judiciaires sur ce nouveau « juge » qui suffira vraiment à le crédibiliser (11).
2.1.3 - les enjeux qualitatifs
La réforme de la cour d’assises est nécessairement une réforme pénale fondamentale. En quoi celle qui est annoncée est-elle susceptible de contribuer à améliorer la qualité du fonctionnement et des décisions? Faute de disposer du moindre exposé des motifs en l’état, on ne peut que se livrer à des hypothèses à partir de critères de qualité communément identifiés ou d’objectifs déjà annoncés.
Par rapport à l’équilibre des droits des parties, il est difficile de se prononcer compte tenu de ce que tous les équilibres sont remis en cause, comme on l’a vu, y compris sur la fonction du président. Et alors même que l’équilibrage siège/parquet est instable.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la qualité du débat judiciaire est consubstantielle à la qualité de la justice rendue. Surtout aux assises. Par définition, le recours à la CRPC réduit le débat – en tous cas ici sur la culpabilité – à un échange dans le huis clos du bureau du procureur de la république. Les risques et les limites de l’aveu comme fondement d’un choix de procédure aussi fondamental ont déjà été abondamment soulignés. Toutes les grandes affaires judiciaires récentes dans lesquelles l’aveu a conduit au moins dans un premier temps, à des erreurs judiciaires dramatiques, sont dans toutes les mémoires : Patrick Dils, Outreau, Marc Machin etc.…
Nous avons déjà dit à quel point le partage annoncé entre l’examen des faits d’une part, qui serait « secret », et celui de la personnalité pour permettre aux juges et aux jurés de ne plus avoir à débattre en audience que de la peine est aberrant. Quel avantage peuvent y trouver les parties, en dehors évidemment de la défense dont la peine qu’elle encourt serait, par hypothèse, diminuée ? Difficile de l’imaginer pour la partie civile, dont il n’est pas certain que l’impasse sur l’examen des faits qu’elle a dénoncés la satisfasse. Quant à l’enjeu « social » lié à un vrai débat public sur l’affaire dans toutes ses dimensions, le réserver aux affaires « particulièrement odieuses » est plus que suspect : outre que cela revient à réduire l’intérêt et la fonction de la justice aux dossiers qui mobilisent l’émotion et de ce fait privilégient les réflexes sécuritaires, il ne faut pas perdre de vue que nombre d’affaires criminelles ne doivent, pour une grande part, le fait d’avoir été élucidées ou sauvées d’une erreur judiciaire qu’à la publicité des débats.
Enfin, mais cette problématique parait – à tort – bien dérisoire au regard des débats d’aujourd’hui, qu’est ce que ces réformes sont susceptibles d’apporter à ce que nous appellerons « l’intelligence du crime ». Car non seulement la justice doit apporter des réponses à l’auteur du crime et à sa victime, mais elle doit aussi, par l’analyse qu’elle permet d’en faire grâce aux savoirs qu’elle mobilise, permettre d’en tirer des conséquences sur ce que le crime a pu révéler. La justice pénale sera toujours un miroir dont il ne faut pas se priver de le regarder pour comprendre le monde dans lequel nous vivons.
A cet égard aussi, le découpage entre faits/et personnalité risque d’appauvrir le sujet. Et de renforcer la regrettable tendance de la justice pénale à isoler et privilégier les facteurs « individuels » ou psychologiques de ceux, négligés faute d’une véritable approche criminologique du crime en France, qui permettraient d’introduire les approches situationnelles, contextuelles et sociologiques.
2.2 - le contexte de ces réformes permet-il d’en dégager le sens ?
2.2.1 - Le programme de l’UMP pour la justice pénale au moment des élections présidentielles en 2007 comportait cinq orientations pour la justice et la justice pénale en particulier. Voyons ce qu’il en est:
« Séparer les carrières du siège et celles du parquet, pour garantir l’indépendance des juges du siège ». De fait, à l’inverse, ce qui est maintenant annoncé c’est le passage des fonctions d’instruction assurées par un magistrat du siège à un magistrat du parquet dépendant hiérarchiquement du garde des sceaux.
« Créer un juge s’occupant spécifiquement des victimes, chargé notamment de veiller à la pleine et entière exécution de la condamnation ». C’est fait (voir supra).
« Regrouper les juges d’instruction dans un pôle par département et rendre la co-saisine obligatoire pour les affaires lourdes et pour les juges d’instruction débutants ». C’est ce qui a été fait par la « loi du 5 mars 2007 renforçant l‘équilibre de la procédure pénale », complétée par le décret 2008-54 du 16 janvier 2008qui avait prévu, depuis le 1er mars 2008, l’institution des pôles de l’instruction et l’élargissement des possibilités de recours à la co-saisine, comme une première étape avant la mise en œuvre d’une instruction collégiale au 1er janvier 2010. Mais depuis, le Parlement a adopté le 12 mai 2009 un amendement reportant au 1er janvier 2011(ou à jamais ?) la collégialité de l’instruction.
« Supprimer le juge des libertés et de la détention et le remplacer par une juridiction d’habeas corpus, formation collégiale, sans le juge d’instruction chargé de l’affaire, et statuant en audience publique ». Est-ce une réforme passée à la trappe, ou susceptible d’être présentée comme se traduisant par le juge DE l’instruction ? A suivre.
« Prévoir la motivation des arrêts de cour d’assises et permettre aux jurés d’avoir accès aux pièces du dossier ». Nous y sommes.
2.2.2 - Le programme RGPP pour la justice pénale: dès la 1ère réunion du conseil de modernisation des politiques publiques, les orientations suivantes ont été arrêtées parmi lesquelles :
- Allègement des procédures judiciaires : ouverture d’un chantier d’allègement du code de procédure pénale ;
- Mise en place d’études d’impact systématiques sur les conséquences des lois nouvelles pour les instances judiciaires ;
Le souci de réduire les dépenses de l’Etat et en l’espèce de la Justice se retrouve dans la seule finalité qui ait été pour l’instant explicitée à l’appui des réformes annoncées : celle de réduire le coût de la justice criminelle. Le temps coûtant de l’argent, et l’audience étant chronophage, c’est simple : il suffit de la supprimer. D’où la mesure présentée comme la plus « payante », le recours au plaider coupable. Alors qu’il suffit d’observer les rôles des cours d’assises actuellement pour constater que les affaires « avouées », où la culpabilité de l’accusé ne pose pratiquement pas de problèmes, sont fixées telle sorte que leur durée tient déjà compte de cet élément : le nombre des témoins y est moins important, le temps consacré à la question de la preuve de la culpabilité moins long. Mais cela ne signifie pas pour autant que les faits n’y seront pas examinés en détails et avec la plus grande attention : c’est bien de cela qu’il sera aussi question au moment du débat sur la peine.
D’où l’intérêt, avant de réformer pour « alléger », de « mettre en place (effectivement) des études d’impact ». D’ailleurs, de quelle évaluation dispose-t-on concernant la mise en œuvre de la loi du 9 mars 2004 ? En août 2005 nous étions quelques-uns à avoir signé un texte sur le nécessaire développement de la recherche au ministère de la justice et la nécessité d’évaluer les effets des lois avant d’en voter d’autres. Une synthèse a-t-elle été faite au ministère de la Justice des pratiques en place dans les juridictions ? Des travaux sont-ils disponibles ou en cours sur les aspects qualitatifs de la CRPC : prévention de la récidive et satisfaction des parties civiles entre autres.
Le souci de réduire les coûts de la justice, comme de toute autre institution est plus que légitime. A condition de se mettre d’accord sur la méthode d’évaluation et plus encore sur les critères à prendre en compte. Les impératifs de gestion ne sont pas quantité négligeable, loin de là, mais ils impliquent précisément de prendre en compte les évaluations qualitatives y compris dans le souci d’économies à moyen et long terme.
2.2.3 - la place de la justice dans les institutions depuis 2007
Les grandes réformes pénales de fond ou de procédure ont généralement lieu à des périodes de refondation. On aurait envie de dire de fondation d’une civilisation nouvelle. Le droit pénal, qu’on s’obstine à considérer en faculté de droit comme faisant partie du droit privé est en réalité le droit le plus public qui soit, le plus politique. Il est celui qui pose les valeurs fondamentales d’une société et définit les sanctions à prévoir lorsqu’elles sont violées. La procédure pénale en est le corollaire direct, indissociable qui définit les équilibres entre les enjeux collectifs et les libertés individuelles. De telles évolutions s’accompagnent alors de débats politiques sur les institutions et leurs missions. Dans le meilleur des cas elles mobilisent les intellectuels, et en particulier les philosophes tant il est vrai que les 935 articles du CPP (partie législative) reposent sur des principes qui fondent une société (12).
Ce fut le cas, évidemment, pour la réforme du code pénal qui a pris plusieurs décennies.
Pour la procédure pénale, un chantier avait été ouvert au début des années 1990. Il s’est traduit par « le rapport Delmas-Marty » déjà évoqué, et qui soulignait la nécessité, pour préserver les grands équilibres, de réformer le système dans son ensemble, et pas par petites touches morcelées, ce qui est le cas, comme l’explique précisément Mme Delmas Marty dans son intervention précitée.
En l’état il est difficile d’y voir clair entre la lettre de mission de la Garde des sceaux et du Premier ministre à Philippe Léger qui appelait à une réforme globale et cohérente et les annonces successives de telle ou telle commission ou du Président de la république.
Enfin, disons-le, il est difficile de dissocier ces réformes du contexte général de dévaluation des institutions et des contrepouvoirs qui caractérisent les réformes en cours dans la justice et bien au-delà. Mais également d’une politique pénale hyper répressive sur fond de discours prônant une société sans risques, sans aléas, et où sont peu à peu réduites en particulier les attributions de ce « juge de la relation » qu’évoque souvent Antoine Garapon. Ainsi la Commission Varinard propose de réduire le rôle du juge des enfants, au moment où sont renforcés les pouvoirs du parquet dans la politique pénale tant en amont (alternatives aux poursuites) qu’en aval (projet de loi pénitentiaire, qui réduit aussi le rôle du juge de l’application des peines), et où a été annoncée au plus haut niveau la dévolution au parquet des missions du juge d’instruction.
Il reste à souhaiter, dans un tel contexte, que les débats publics soient de la qualité qu’exigent les enjeux que recouvre cette réforme de la justice criminelle. A cela plusieurs conditions nous semble-t-il :
- que les débats ne soient ni seulement de spécialistes, ni corporatistes. Ce qui implique en particulier que les universitaires, juristes mais aussi philosophes et historiens, les chercheurs, mais aussi les associations y prennent leur part.
- que la cohérence des réformes envisagées soit mise au clair de telle sorte que les valeurs au nom desquelles elle est proposée soient précisées pour être débattues.
Douai, le 8 juin 2009
(1) Cf. le rapport d'information du sénateur Zocchetto du 12 octobre 2005.
(2) Cf. Dominique Charvet, « Réflexions autour du plaider-coupable », Recueil Dalloz 2004, n°35., p. 2517.
(3) Maître Leborgne dans le Point du 20 mai 2009 évoquant la CRPC pour des viols correctionnalisés.
(4) Etude de législation comparée du Sénat n°122 de mai 2003, sur le site du Sénat.
(5) Art 81 CPP : « le juge d'instruction procède conformément à la loi à tous les actes d'information qu'il juge utile à la manifestation de la vérité ». Art 310 CPP : « le président est investi d'un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut, en son honneur et en sa conscience, prendre toutes les mesures qu'il croit utiles pour la manifestation de la vérité ».
(6) « La Cour d'assises : bilan d'un héritage démocratique » Coll. Histoire de la Justice. Association française pour l'histoire de la justice. Documentation française
(7) Il arrive souvent que ce soit à l'unanimité, mais le CPP exige que seule la mention de la majorité à 8 voix (en 1er ressort) ou à 10 voix (en appel) requise par l'article 359 soit rendue publique.
(8) « La mise en état des affaires pénales », La Documentation Française, 1991.
(9) « Le parquet enjeu de la réforme pénale, » Le Monde 26 mai 2009.
(10) CEDH, 5e Sect. 10 juillet 2008, Medvedyev c. France.
(11) Rapport de l'Inspection des Services Judiciaires du 7 novembre 2008 accessible sur le site du Ministère de la justice.
(12) A cet égard l’article préliminaire du CPP issu de la loi du 15 juin 2000 mérite d’être relu attentivement pour s’assurer que les réformes envisagées satisfont aux principes qu’il pose.
*** CELA SE PASSE EN FRANCE ***
- 4. – Le dernier avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté
Décidément, il semble que rien n'y fasse et que, quoi qu'il arrive, les gouvernants soient dans l'incapacité de tirer les conséquences des situations et erreurs qu'eux-mêmes dénoncent avec la plus grande virulence... mais dont ils sont pour partie à l'origine.
Tout le monde le sait pourtant, et en premier lieu les professionnels. Quand un individu subit des conditions de garde à vue, de détention ou de comparution devant un juge qui affaiblissent ses capacités physiques, morales et intellectuelles, le risque est grand qu'il fasse des déclarations non conformes à la réalité, notamment des "aveux" qui n'en sont pas, afin de pouvoir mettre fin au plus vite à une situation excessivement pénible.
Cela peut mener à une mauvaise appréciation de l'affaire par les magistrats qui ne connaissent pas toujours l'état des commissariats et des prisons, et par voie de conséquence à des décisions inappropriées. Et le terme est faible quand des personnes sont déclarées coupables et condamnées sur la base de déclarations, les faux aveux, obtenues à cause de la façon dont elles ont été traitées.
Cela est aussi de nature à permettre à ceux qui ont fait des déclarations sincères de prétendre ensuite qu'elles ne l'étaient pas, en mettant en avant les circonstances de leur garde à vue, de leur détention, ou de leur comparution devant le juge.
Personne n'est gagnant dans une telle configuration.
Dans son dernier avis publié au journal officiel du 3 juin 2009, le contrôleur des lieux de privation de liberté écrit à propos d'un commissariat :
"Les conditions d'hygiène sont indignes pour les personnes placées en garde à vue et celles placées en dégrisement : les toilettes « à la turque » débordent dans les chambres de sûreté, une odeur nauséabonde saisit toute personne pénétrant dans une cellule même inoccupée, les murs sont recouverts d'inscriptions et de matières diverses. L'entretien courant est totalement défaillant. De ce fait, il s'ensuit aussi des conditions de travail que les personnels ne devraient pas avoir à supporter. Des travaux doivent être entrepris sur-le-champ. Faute d'amélioration immédiate, les cellules de garde à vue et de dégrisement ne sauraient être utilisées."
Il ajoute un peu plus loin une remarque essentielle :
"Toute personne doit pouvoir comparaître dignement devant un juge, un procureur et un officier de police judiciaire ; cette exigence rejoint celle des droits de la défense. La situation actuelle ne l'autorise pas :
a) Aucune installation ne permet au gardé à vue de faire sa toilette le matin ;
b) Le rasage et le brossage des dents sont impossibles et le commissariat ne dispose d'aucun kit d'hygiène ;
c) Les conditions de couchage ne sont pas réunies pour accueillir les personnes y passant la nuit en vue des auditions à venir : le matelas et la couverture sont attachés à la cellule et ne sont pas renouvelés avec l'arrivée d'une nouvelle personne gardée à vue ; il n'y a pas de matelas dans les chambres de sûreté."
Cela correspond à ce que je soulignais dans le précédent article. Au-delà de que ce qu'écrit Mr Delarue, il faut rappeler que traiter des personnes dans de telles conditions ne permet plus de respecter les conditions du "procès équitable" comme l'exige la convention européenne des droits de l'homme.
Ne nous trompons pas d'analyse. Il ne s'agit pas de veiller à ce que certaines personnes qui ont réellement commis des délits ou crimes graves bénéficient d'un confort auquel d'autres citoyens qui vivent dans la précarité n'ont pas droit. Le sujet n'est pas là.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il est impossible, sans se placer dans une contradiction fondamentale et insoluble, d'une part de continuer à traiter des gens comme le souligne le contrôleur et comme vient de le sanctionner le tribunal de Paris, et d'autre part de dénoncer des "erreurs judiciaires" quand la décision des magistrats repose sur des aveux ou plus largement sur des déclarations reçus dans des conditions qui, quand elles sont connues, peuvent faire douter de la volonté des intéressés de reconnaître véritablement les faits qui leur sont reprochés.
Enfin, et c'est peut être le plus inacceptable et le plus préoccupant pour l'avenir en terme d'évolution des pratiques, on constate que ceux qui dénoncent les "erreurs judiciaires", c'est à dire les élus et les gouvernants, sont les mêmes qui choisissent de laisser perdurer des conditions de garde à vue ou de détention qui ouvrent la porte à de telles erreurs.
Si une chose est bien indiscutable, c'est que le commissaire de police qui dirige un commissariat sait dans quelles conditions se déroulent les gardes à vue, que le préfet du département le sait tout autant, et que le constat remonte inéluctablement au ministre de l'intérieur qui n'ignore rien de l'état des locaux de police.
De ce fait, ne pas agir pour faire disparaître une situation manifestement inacceptable, cela veut dire la tolérer, l'accepter.
Ce qui rassure sans doute les élus et explique qu'ils se dispensent d'agir plus efficacement, c'est qu'ils savent parfaitement bien que quand des erreurs ou des fautes sont commises, seuls les autres "doivent payer".
Jamais eux. C'est ce que l'on appelle l'irresponsabilité.
Tout le monde le sait pourtant, et en premier lieu les professionnels. Quand un individu subit des conditions de garde à vue, de détention ou de comparution devant un juge qui affaiblissent ses capacités physiques, morales et intellectuelles, le risque est grand qu'il fasse des déclarations non conformes à la réalité, notamment des "aveux" qui n'en sont pas, afin de pouvoir mettre fin au plus vite à une situation excessivement pénible.
Cela peut mener à une mauvaise appréciation de l'affaire par les magistrats qui ne connaissent pas toujours l'état des commissariats et des prisons, et par voie de conséquence à des décisions inappropriées. Et le terme est faible quand des personnes sont déclarées coupables et condamnées sur la base de déclarations, les faux aveux, obtenues à cause de la façon dont elles ont été traitées.
Cela est aussi de nature à permettre à ceux qui ont fait des déclarations sincères de prétendre ensuite qu'elles ne l'étaient pas, en mettant en avant les circonstances de leur garde à vue, de leur détention, ou de leur comparution devant le juge.
Personne n'est gagnant dans une telle configuration.
Dans son dernier avis publié au journal officiel du 3 juin 2009, le contrôleur des lieux de privation de liberté écrit à propos d'un commissariat :
"Les conditions d'hygiène sont indignes pour les personnes placées en garde à vue et celles placées en dégrisement : les toilettes « à la turque » débordent dans les chambres de sûreté, une odeur nauséabonde saisit toute personne pénétrant dans une cellule même inoccupée, les murs sont recouverts d'inscriptions et de matières diverses. L'entretien courant est totalement défaillant. De ce fait, il s'ensuit aussi des conditions de travail que les personnels ne devraient pas avoir à supporter. Des travaux doivent être entrepris sur-le-champ. Faute d'amélioration immédiate, les cellules de garde à vue et de dégrisement ne sauraient être utilisées."
Il ajoute un peu plus loin une remarque essentielle :
"Toute personne doit pouvoir comparaître dignement devant un juge, un procureur et un officier de police judiciaire ; cette exigence rejoint celle des droits de la défense. La situation actuelle ne l'autorise pas :
a) Aucune installation ne permet au gardé à vue de faire sa toilette le matin ;
b) Le rasage et le brossage des dents sont impossibles et le commissariat ne dispose d'aucun kit d'hygiène ;
c) Les conditions de couchage ne sont pas réunies pour accueillir les personnes y passant la nuit en vue des auditions à venir : le matelas et la couverture sont attachés à la cellule et ne sont pas renouvelés avec l'arrivée d'une nouvelle personne gardée à vue ; il n'y a pas de matelas dans les chambres de sûreté."
Cela correspond à ce que je soulignais dans le précédent article. Au-delà de que ce qu'écrit Mr Delarue, il faut rappeler que traiter des personnes dans de telles conditions ne permet plus de respecter les conditions du "procès équitable" comme l'exige la convention européenne des droits de l'homme.
Ne nous trompons pas d'analyse. Il ne s'agit pas de veiller à ce que certaines personnes qui ont réellement commis des délits ou crimes graves bénéficient d'un confort auquel d'autres citoyens qui vivent dans la précarité n'ont pas droit. Le sujet n'est pas là.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il est impossible, sans se placer dans une contradiction fondamentale et insoluble, d'une part de continuer à traiter des gens comme le souligne le contrôleur et comme vient de le sanctionner le tribunal de Paris, et d'autre part de dénoncer des "erreurs judiciaires" quand la décision des magistrats repose sur des aveux ou plus largement sur des déclarations reçus dans des conditions qui, quand elles sont connues, peuvent faire douter de la volonté des intéressés de reconnaître véritablement les faits qui leur sont reprochés.
Enfin, et c'est peut être le plus inacceptable et le plus préoccupant pour l'avenir en terme d'évolution des pratiques, on constate que ceux qui dénoncent les "erreurs judiciaires", c'est à dire les élus et les gouvernants, sont les mêmes qui choisissent de laisser perdurer des conditions de garde à vue ou de détention qui ouvrent la porte à de telles erreurs.
Si une chose est bien indiscutable, c'est que le commissaire de police qui dirige un commissariat sait dans quelles conditions se déroulent les gardes à vue, que le préfet du département le sait tout autant, et que le constat remonte inéluctablement au ministre de l'intérieur qui n'ignore rien de l'état des locaux de police.
De ce fait, ne pas agir pour faire disparaître une situation manifestement inacceptable, cela veut dire la tolérer, l'accepter.
Ce qui rassure sans doute les élus et explique qu'ils se dispensent d'agir plus efficacement, c'est qu'ils savent parfaitement bien que quand des erreurs ou des fautes sont commises, seuls les autres "doivent payer".
Jamais eux. C'est ce que l'on appelle l'irresponsabilité.
Michel Huyette
*** PARIS RIVE DROITE, RIVE GAUCHE ***
- 5. - RAPPEL. PARIS. Mardi 16 juin 2009, 17h15 – 19h15. Séminaire de recherche « Enfermements, Justice et Libertés dans les sociétés contemporaines », dirigé par Pierre V. Tournier, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
- Lieu : CHS XXe siècle, 9, rue Malher, Paris 4ème, 6ème étage (métro Saint Paul).
- 19ème séance, Changement de programme
Philippe Pichon, commandant de police, n’a pas été autorisé par sa hiérarchie à venir présenter sa communication, prévue de longue date, sur La présomption d'innocence à l'épreuve de l'enquête policière. Quels moyens de preuve ? ».
- Nouveau programme de la séance -
* 17h15 - 18h15. « Faut-il réformer l’instruction judiciaire ? » par Catherine Giudicellimagistrate chargée de l’instruction au TGI de Paris, présidente de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI).
* 18h15 – 18h30 pause.* 18h30 - 19h30. « Le système de traitement des infractions constatées (STIC) : un système mis en cause de l’intérieur » par Frédéric Ocqueteau, directeur de recherches au CNRS et Maître William Bourdon avocat de Philippe Pichon (sous réserve).
* Avec le soutien de l’Association française de criminologie (AFC) et de la Société GEPSA, prestataire de services dans les établissements pénitentiaires en gestion déléguée. GEPSA contribue à la réinsertion des personnes détenues grâce aux dispositifs de formation profession-nelle, d'emploi et d'accompagnement mis en place en partenariat avec l'Administration pénitentiaire.
______________________________- 6. – RAPPEL. PARIS. Mardi 15 septembe 2009. 17h30. Séance inaugurale du séminaire, public, de recherche « Enfermements, Justice et Libertés dans les sociétés contemporaines », du Centre d’histoire sociale du XXe siècle. 20ème séance.
- Lieu : Amphithéâtre Dupuis, 9, rue Malher Paris IVe, (sous-sol) Métro Saint-Paul. Ce séminaire se tient, depuis septembre 2007, chaque 3ème mardi du mois de 17h30 à 19h30, au Centre d’histoire sociale du XXe siècle Université Paris 1, sous la responsabilité de Pierre V. Tournier. Disciplines concernées : anthropologie, architecture, criminologie, démographie pénale, droit, ethnologie, géographie, histoire, philosophie, sciences du psychisme, science politique, sociologie, …
Sous la présidence de M. Pierre Lyon-Caen, avocat général honoraire à la Cour de Cassation, membre de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), co-fondateur du Syndicat de la Magistrature.
En présence de MM. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République et Claude d’Harcourt, préfet, directeur de l’administration pénitentiaire.
« Placement sous écrou et dignité de la personne »
Communication de M. Jean-Manuel Larralde, professeur de droit public à l’Université de Caen,
Discutants : Dr. Olivier Boitard, psychiatre des hôpitaux, médecin-chef à l’hôpital de Clermont (Oise), président du Comité d’action syndicale de la psychiatrie et M. Pierre Méheust, juriste, ancien président du GENEPI.
* Ce séminaire de recherche « Université Paris 1 - CNRS » est soutenu par deux partenaires privés l’Association française de criminologie (AFC) et la Société GEPSA, prestataire de services dans les établissements pénitentiaires en Gestion Déléguée. GEPSA contribue à la réinsertion des personnes détenues grâce aux dispositifs de formation professionnelle, d'emploi et d'accompagnement mis en place en partenariat avec l'Administration pénitentiaire.
*** EN RÉGION ***
- 7. – TOULOUSE. 26 juin 209 . « Les villes à l'épreuve des violences collectives : un débat d'actualité ». Organisé par le Forum européen pour la sécurité urbaine.
Le Fesu vous propose de participer au débat organisé le 26 juin, à Toulouse, à l'occasion de son Assemblée Générale. Interviendront notamment M. Jean Pierre HAVRIN, Adjoint au maire de la ville de Toulouse, M. François PUPPONI, Député Maire de la ville de Sarcelles, France, Luisa SALGUEIRO, Député, Adjointe au Maire de Matosinhos, Portugal, M. Wilfried BLUME-BEYERLE, Adjoint au Maire de la ville de Munich, Allemagne, M. Josep M. LAHOSA I CAÑELLAS, directeur du service de prévention de la ville de Barcelone, Espagne, M. Manuel GIRON, chef du département de prévention et sécurité publique de la ville de Séville, Espagne, M. David HARTSHORN, Superintendent, Directeur du département Ordre publique et soutien opérationnel, Metropolitan Police de Londres, Royaume Uni, Dr. Karsten KELLER, chercheur à l’Institut Marc Bloch, Berlin, Allemagne (à confirmer).
* Contact : http://www.fesu.org*** DANS LA CITÉ ***
- 8. – Nanterre. Samedi 27 juin 2009. 9h -18h. Les archives de Maître Jean-Jacques de Félice. Témoigne d’un engagement au service des droits de l’homme ». Journée d’études organisée par la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine et le Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Paris 1).
- Lieu : Université Paris Ouest la Défense, campus de Nanterre, bâtiment B, salle des conférences. * Contact : http://chs.univ-paris1.fr
*** COURRIELS DES LECTEURS ***
- 9. - Au courrier d’ACP la semaine dernière : « Merci pour ce tableau de statistiques relatif à la mortalité et au taux de suicides en milieu carcéral, au sein de l'Union Européenne. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et ne font que mettre en évidence le scandale des conditions de détention en Fance. Ce tableau nous fait réfléchir aussi sur la politique répressive concernant les mineurs qui fait croire que le passage par la case "prison" pour ces enfants et adolescents aurait une valeur éducative. Je lis régulièrement ACP toujours instructif. » Christiane Lepaumier.
« Suicides en prison : pourquoi ne pas s'inspirer des pratiques de nos voisins ? Vous connaissez évidemment la réponse, ainsi que les pratiques en cours dans ces divers pays (Samaritans, en Angleterre, ou prise en charge par les pairs d'une manière plus générale,....). Vous savez que les syndicats pénitentiaires sont opposés en France à tout ce qui se rapporte de près ou de loin à une responsabilisation du détenu. Vous savez encore que, derrière les discours sur la prévention du suicide dans l'AP française ne se cachent que des procédures, et pas d'implication humaine fondée sur une empathie professionnelle minimale (même si heureusement il y a des exceptions). Les chiffres comparatifs européens que vous publiez sont tout à la fois édifiants et doivent constituer un "ultimatum" pour l'administration pénitentiaire française. Je suis fonctionnaire de l'AP depuis 33 ans, et ne supporte plus tout cela ».
Observations de Pierre V. Tournier : Chère Christiane, heureux qu’ACP vous soit utile. Comme vous le savez, les chiffres ne parlent pratiquement jamais d‘eux-mêmes. Personnellement, je ne sais pas pourquoi le taux de suicides dans les prisons françaises est deux fois plus élevé que dans l’ensemble des prisons de l’Union européenne. Vous avancez une explication : « le scandale des conditions de détention en France ». Soit. les conditions actuelles ne sont pas acceptables, en particulier du fait de la surpopulation que connaissent depuis tant d’années les maisons d’arrêt. Cela peut, à l’évidence, favoriser les conduites suicidaires. Mais l’analyse des écarts entre tel ou tel pays nécessite d’avoir des données précises sur les populations détenues : structure par sexe, âge, catégorie pénale, infraction sanctionnée, etc., mais aussi sur l’état de santé psychique de ces populations. Je ne prendrai qu’un exemple. D’après la statistique du Conseil de l’Europe (SPACE), la France est le pays où l’on observe la plus forte proportion, parmi les condamnés détenus, d’auteurs de violences sexuelles : au 1er septembre 2007, 18 % contre 6,3 % en Espagne, 7,1 % en Italie 7,5 % en Allemagne, 11% en Angleterre et Pays de Galles, etc. Il faudrait, évidemment, pouvoir examiner de près ce que recouvrent ces pourcentages (problème de qualification juridique), mais quand on sait que le risque suicidaire est particulièrement élevé chez les personnes poursuivies ou sanctionnées pour ce type de contentieux - pour de multiples raisons -, on a ici une piste intéressante. Non ?
Cher Monsieur X, fonctionnaire de l’AP depuis 33 ans qui m’avait demandé de respecter votre anonymat. Je respecte votre point de vue, mais je ne pense pas que l’on puisse avoir un jugement aussi global sur les « syndicats pénitentiaires ». De plus, il ne me paraît pas rationnel de considérer, sans examen approfondi, que l’importance du taux de suicides dans les prisons française soit de la seule responsabilité de l’administration pénitentiaire (voir réponse à Christiane) et je ne comprends pas le sens de cet « ultimatum » qui lui serait adressé par vos soins. Certes, dans tel ou tel cas, sa responsabilité - et la responsabilité de ses agents - peut être directement engagée. Ainsi, par exemple, la France a pu être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme le 15 octobre 2008, pour violation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) de la CEDH. Mais je sais aussi que les responsables de la DAP sont fortement engagés sur le terrain de la prévention du suicide. Personnellement, je n’ai qu’un reproche à faire à la DAP sur sa politique : son manque de transparence en matière statistique et son manque de volonté (apparente ?) (1) quant à l’analyse scientifique du phénomène (2).
(1) Je ne sais pas ce que font ses services en la matière car ils ne « communiquent pas ». J’ai appris, récemment, dans un rapport du Sénat, que depuis le 1er janvier 2007, l’administration pénitentiaire avait mis en place une procédure systématique de relevé des incidents survenus dans les établissements, sous la forme de tableaux de bord électronique alors que jusqu’alors ces incidents donnaient lieu à un rapport écrit. Quelles sont les variables collectées ? quels sont les traitements statistiques effectués sur cette base ? quels enseignements en sont tirés pour l’action ? Secrets d’Etat ?
(2) Le rapport très particulier de la Garde des Sceaux avec la statistique et son peu d’intérêt pour les approches scientifiques n’auront certainement pas facilité l’engagement de la DAP en ce sens. Mme Dati aura su montrer, en deux ans, à quel point la « culture du chiffre » portée par le Président de la République s’appuie, en réalité, sur une véritable inculture scientifique.
*** ATTENTION, VOUS ENTREZ DANS UN ESPACE « MILITANT » ***
Avertissement. La rédaction d’ACP ne partage pas nécessairement le positionnement politique des personnes physiques ou morales citées dans ces rubriques « militantes ». Par la diffusion de ces informations, elle souhaite simplement favoriser le débat d’idées dans le champ pénal, au delà des travaux scientifiques que cette lettre hebdomadaire a vocation à faire connaître.
*** FORMATION ***
- 10. - L' Association pour la Recherche et le Traitement des Auteurs d'Agressions Sexuelles (ARTAAS) vous informe de sa vie régionale et nationale
- LORIENT. Jeudi 25 juin 2009. Formation ARTAAS Bretagne - Pays de Loire sur les « médecins cooordonnateurs ». Nombre de places limité à 25 participants.
- AMIENS. Vendredi 26 juin 2009. Prochaine réunion régionale ARTAAS Nord Pas de Calais - Picardie (et première pour cette année 2009). Matinée avec présentation d'une recherche sur les psychothérapies de groupe par Marion Perrot, doctorante, psychologue au SMPR d'Amiens et au CRAVS Picardie. Après-midi, entre autre, « Place des conjointes des pères incestueux » par Christine Drouart, référente régionale ARTAAS, psychologue SMPR d'Amiens et au CRAVS Picardie.
- MARSEILLE. 18 et 19 septembre 2009. Prochaines journées nationales ARTAAS.
* Si vous désirez adhérer à l'ARTAAS et participer à ses réunion, régler votre cotisation 2009 (40 euros). A envoyer par chèque au siège social, 123 rue de Reuilly, 75012 Paris. Pour toute information complémentaire: artaas2008@ gmail.com
*** DÉSINFORMATION ***
- 11. - « Pour trouver pire que les prisons françaises, il faut aller en Moldavie ». C’est par cette phrase que Liberation.fr résume le débat organisé par l'Observatoire international des Prisons (OIP), le vendredi 5 juin 2009. Cette phrase a été prononcée par Markus Jaeger, fonctionnaire au Conseil de l’Europe (1), « citant un de ses collaborateurs ».
Cette idée est assenée depuis des années. On attribue généralement cette sottise à Alvaro Gil-Robles, commissaire européen aux droits de l’homme. Ce qui, à ma connaissance, est tout simplement un mensonge.
22 septembre 2005. A la question posée par Dominique Simonnot, alors journaliste à Libération : « Et le dépôt des étrangers, sous le Palais de justice de Paris ? » Alvaro Gil-Robles répond :
« De ma vie, sauf peut-être en Moldavie, je n’ai vu un centre pire que celui-là ! C’est affreux ! Les gens s’entassent dans un sous-sol sur deux niveaux, sans aération. Ils se promènent dans une cour minuscule grillagée de tous côtés. Au second niveau, on marche sur la grille, au-dessus de ceux du premier niveau. Les fonctionnaires en sont eux-mêmes très gênés. Il faut fermer cet endroit, c’est urgent. »
Alvaro Gil-Robles avait certainement raison. Mais il ne s’agissait donc pas des prisons françaises, mais du dépôt du Palais de Justice de Paris (2).
Chacune et chacun appréciera.
PVT
(1) M. Markus JAEGER, est adjoint au directeur, Bureau du Commissaire aux droits de l’homme, Conseil de l’Europe.(2) Voir ACP, n°142, du 8 juin 2009, communiqué de presse du 28 mai 2009 du Syndicat de la Magistrature. «Dépôts » : sous le palais, l’indignité.
*** UNION EUROPEENNE ***
- 12. - Source : La Lettre de la Fondation Robert SchumanProgramme/Stockholm. Le 10 juin, le Vice-président de la Commission européenne, en charge de l'espace justice, liberté et sécurité, Jacques Barrot, présentera le programme dit de Stockholm. La Commission adoptera une communication au Parlement et au Conseil en vue de l'adoption d'un ambitieux programme visant à renforcer les droits des citoyens européens, à améliorer la sécurité au sein de l'Union européenne, à développer l'Europe de la justice et à mettre en oeuvre une politique d'immigration et d'asile européenne.
Conseil / Justice / Intérieur. Les 4 et 5 juin, les 27 ministres de l'intérieur ont adopté des conclusions pour une meilleure utilisation du SIS (système informatique pour l'espace Schengen) et de SIRENE (système informatique sur la protection des enfants). Ils ont discuté des problèmes migratoires et d'asile en Méditerranée et ont décidé de la mise en place, au sein de l'Union, d'un réseau informel de rapporteurs nationaux ou de mécanismes équivalents dans le domaine de la traite des êtres humains. Le responsable européen pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, a présenté une nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme, tandis que de nouvelles priorités ont été fixées pour la lutte contre la criminalité organisée. Ils ont enfin adopté des conclusions sur la fermeture du centre de détention américain de Guantanamo.
Racisme. Le 2 juin, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) a publié son rapport annuel d'activités pour 2008. Le rapport annuel décrit les activités mises en oeuvre par l'ECRI dans le cadre de son programme en 2008 et met également en exergue les grandes tendances concernant les manifestations de racisme, de xénophobie, d'antisémitisme et d'intolérance à travers l'Europe.
CEDH. Vincent Berger vient de publier la 11ème édition de l'ouvrage "Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)". Cet ouvrage offre un panorama clair et fidèle de l'activité de la CEDH.
*** FROM CENTRE FOR PRISON STUDIES, LONDON ***
- 13. – Information from Helen Fair, Research Associate, International Centre for Prison Studies, School of Law King's College London.
Vulnerable inmates help discussed (Jersey)
Mass break-out from Nigerian jail
Fury at Guinea burn thieves idea
North's rule-breaking prisoners too often kept in cells - report (Northern Ireland)
Intensive fostering must go national, urges YJB
Peace index ranks New Zealand the safest country in the world
Inmate found hanging in his cell
Mexico drug arrests leave prisons crowded, violent
Tough-on-crime agenda seen as swamping prisons (Canada)
700+ prison officers under training (China)http://www.chinadaily.com.cn/
Investigation of prison conditions urged (New Zealand)
http://www.radionz.co.nz/news/
MPs want death penalty abolished (Kenya)
http://www.nation.co.ke/News/-
Less is more in debate about prison population (Netherlands)
http://www.nrc.nl/
Prisoners 'are making scores of bombs'
http://www.guardian.co.uk/Probation officers deserve better, Mr Straw
http://www.guardian.co.uk/
A second chance
http://www.guardian.co.uk/
Prison attacks in Wales 'up 48%'
http://news.bbc.co.uk/1/hi/
Lewes Prison conditions “an abomination in the 21st century”
http://www.theargus.co.uk/
Czech prisons get even more overcrowded
http://praguemonitor.com/2009/
ACT to allow prison conjugal visits (Australia)
http://news.theage.com.au/
Mountjoy inmates being forced to sleep in showers (Ireland)
http://www.irishtimes.com/
Criminal justice still on probation
http://www.guardian.co.uk/
Inspector of Prisons rings the changes
http://www.
Boris urged to reject Dagenham prison plan
http://www.bdrecorder.co.uk/
CHILE: Prisons "Inhuman, Degrading and Cruel" - Supreme Court Report
http://www.ipsnews.net/news.
Govt drafting prisoner exchange laws (Malaysia)
http://thestar.com.my/news/
Court of Appeal got prisoner privacy wrong, rules ECHR
http://www.out-law.com/page-
Increasing the likelihood of tragedy
http://www.guardian.co.uk/
Criminal justice: cut prisoner numbers
http://www.guardian.co.uk/
Jack Straw accused of passing buck over French student murders
http://www.guardian.co.uk/
Ex-prisoner wins battle to rejoin jails watchdog
http://www.guardian.co.uk/
The probation service sham
http://www.guardian.co.uk/
Arrested development
http://www.guardian.co.uk/
Control orders need controlling
http://www.guardian.co.uk/
Jailhouse blues for prison service (Northern Ireland)
http://news.bbc.co.uk/1/hi/
Prison staff 'feared for safety'
http://news.bbc.co.uk/1/hi/
Prison chiefs: Short sentences are a university of crime (Scotland)
http://news.scotsman.com/
Multi-Agency Working Needed To Tackle 'Worryingly High' Prison Deaths
http://www.medicalnewstoday.